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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

d’Alceste » les principes qu’il met en action dans ses nouveaux ouvrages : vérité dramatique, sincérité de l’expression, fusion de la parole, du chant et de l’orchestre. Aussitôt se dresse le défenseur inévitable des vieilles théories et la querelle de Gluck et de Piccini, des gluckistes et des piccinistes, commence acharnée, meurtrière. Les troupes ennemies se battent à coups d’épigrammes, de brochures, de pamphlets, d’articles de journaux. Du bon côté prennent position Jean-Jacques Rousseau, Suard, l’abbé Arnaud ; de l’autre se groupent Marmontel, La Harpe, Ginguené, d’Alembert. La dispute dure longtemps, furieuse, terrible, et ne se termine qu’au lendemain de la première représentation de notre lphigénie en Tauride, donnée il y a cent vingt ans. Le directeur de l’Opéra, industriel malin, avait commandé aux deux rivaux une partition sur le même poème. Gluck acheva son travail et « passa » avant Piccini. Le succès fut décisif et obligea les combattants à mettre bas les armes. Quand vint l’œuvre retardataire, elle s’effondra dans un désastre.

Par trois fois, Gluck associa son génie à celui d’Euripide. La grandiose simplicité, la profonde humanité de la tragédie antique étaient merveilleusement appropriées à la tragédie lyrique, telle que la concevait le novateur musicien. Les