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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

quit la certitude que les négociations engagées par lui avec l’Opéra seraient infructueuses. Notez qu’à cette époque l’Institut avait déjà ouvert ses portes à celui qui, en fin de compte, était universellement célèbre. Sachant le goût de l’empereur Napoléon III pour l’antiquité, le musicien eut alors l’idée de demander au souverain, par lettre, d’entendre son ouvrage et de le recommander au directeur du premier théâtre d’État. La lettre en question, fière et belle, M. de Morny dissuada Berlioz de l’envoyer. Elle contenait ces deux phrases, l’une prophétique en quelque sorte, l’autre véridique : « Maintenant, viennent le découragement et les chagrins, rien ne peut faire que ma partition n’existe pas. C’est grand et fort, et, malgré l’apparente complexité des moyens, très simple. » En effet, rien n’a pu tuer les Troyens et l’on verra que l’auteur n’avait pas mal qualifié son œuvre. Mais le ministre promit à l’artiste que l’Empereur s’occuperait de lui et lui donnerait pleine satisfaction.

Berlioz eut la naïveté stupéfiante de se réjouir d’une telle promesse et, pendant bien des mois, il attendit patiemment que l’ordre arrivât de monter les Troyens à l’Opéra. Or, ce que Napoléon III ordonna, ce fut de monter Tannhäuser.

Pour imaginer le coup terrible qui frappa le