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Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/55

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THAÏS

ait « demandé expressément un poème en prose » quand il résolut d’écrire Thaïs.

Mais le livret de Thaïs, tout en offrant l’apparence de la prose, n’est pas en prose. Son auteur l’intitule « poème mélique » et fixe ainsi sa forme :

« Il emprunte certaines rigueurs à l’art poétique ; il s’interdit les hiatus, il recherche la sonorité et l’harmonie des mots ; il observe le nombre et le rythme ; il s’efforce de contenir l’idée dans les limites métriques ; il s’affranchit seulement de l’obligation absolue de la rime. » On le voit, l’innovation consiste purement et simplement dans la suppression de la rime. C’est déjà quelque chose, car, jusqu’alors, la musique de cette rime était considérée comme indispensable à la satisfaction de l’oreille, et le retour des mêmes syllabes semblait constituer au langage lyrique une sorte de point d’appui dont on le croyait incapable de se passer. Mais la coupe du dialogue reste absolument conforme aux traditions du genre, et c’est grand dommage.

Empruntant au roman inspirateur ses scènes principales, enchâssant dans sa poésie blanche les phrases savoureuses et fortes de M. Anatole France, Gallet n’a su, malheureusement, leur conserver le caractère de large ironie, de philosophie tranquille qui les originalise à un si haut