Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/19

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geaient les mains dans la boîte de bonbons, qu’ils retiraient aussitôt, si les doigts se rencontraient.

Ferdinand eut un mot d’émotion. « Lorsqu’on aura un vrai chez-nous », fit-il, à propos de je ne sais quoi. Ce chez-nous voulait dire beaucoup. J’accorde même qu’il y avait une pointe de sentimentalité bébête. Pas au sens que vous l’entendez, parce que, si Ferdinand et Armandine se permettaient parfois la sentimentalité, c’était l’avarice qui humectait leurs yeux. Un chez-nous, ce n’était pas une maison où être heureux ensemble, c’était se voir enfin propriétaires, ne plus payer loyer. Une maison sans étage dans la banlieue la plus minable leur était ainsi appartement somptueux. Ils en seraient les maîtres, ce serait à eux. Toute sa vie, il faut avoir été à loyer pour tout, si l’on veut comprendre un tel sentiment.

Ma foi, lorsque Ferdinand s’écria : « Quand on aura un chez-nous », les yeux d’Armandine s’allumèrent, et elle se prit à rêver. Elle ne rêva pas longtemps. Vous saisissez que tous deux ne pensaient qu’à une seule chose, et ces deux timides avaient honte. Aussi peu habiles qu’ils étaient, n’avaient-ils pas raison de craindre quelque gaffe ?