Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/190

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’y fus, dans l’après-midi. L’odeur m’indiquait que les meubles avaient été vernis, et les coussins étaient neufs. Personne à coup sûr ne s’asseyait sur le divan, et les vitres paraissaient trop claires. Madame Godin avait mis deux doigts de poudre et paraissait plâtrée :

— C’est pas beau comme chez vous, mais vous remarquerez pas.

Elle m’avait prévenue ainsi à la dérobée, et le gamin que j’étais en fut presque ému.

Cette grosse courte avait été belle, et sa volonté énergique dirigeait tout dans la maison. Parce que son mari ne gagnait pas assez, elle avait un temps installé chez elle un atelier de couture, puis, voulant marier ses filles, elle avait cessé. Depuis lors, monsieur Godin, pour compenser, travaillait double et, souvent, le soir, faisait des extras. Il n’aurait plus fumé, si son ami Trudel, qu’il voyait le dimanche, après la messe, ne lui eut donné du tabac en feuilles. Fumer était le seul vice de monsieur Godin, et, pour le satisfaire, il risquait de ne pas dîner, le dimanche, s’attardant chez Trudel. Un jour qu’il était plus en retard que d’habitude, il était arrivé quand tout le monde « sortait de table ».