Page:Brunet - Le mariage blanc d'Armandine, contes, 1943.djvu/86

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Cet été-là, qui fut torride et qui brûla les récoltes, quelques-uns purent voir, l’après-midi, lorsqu’on est aux champs ou à l’ombre de la maison fermée, la vieille Baudet qui, près de la mare, « faisait la classe » à Gustave. Assis sur un banc de bois, ils épelaient le syllabaire :

— B, a, ba, b, u, bu…

Elle avait une petite règle pour taper les doigts de ce grand garçon, qui à tout propos éclatait en crises de larmes :

— Je peux pas, ma tante.

Cet idiot de six pieds (il avait 16 ans) faisait jaillir difficilement les mots, de sa voix de basse, les quelques mots qu’il savait, qu’il pouvait retenir, des mots qui surgissaient, troubles et mêlés, comme d’un tuyau bouché d’où l’eau sort tout à coup.

Puis ils entraient, et on ne les voyait plus jusqu’à l’heure d’adoration de la tante.

Un jour, à l’église, elle était plongée dans sa méditation, lorsqu’elle vit son neveu, qui, puisant dans la boîte, allumait tous les cierges devant l’autel de sainte Anne.

— Gustave, Gustave, que faites-vous là ?

Garde comme c’est beau, ma tante, c’est ma Fête-Dieu.