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ÉTUDES CRITIQUES

taire en a sa part de responsabilité ? Bien plus, l’auteur de l’Homme aux quarante écus fut une façon d’accapareur en son temps, et, comme un simple roi de France, il spécula sur les grains, c’est-à-dire, sinon sur la famine, au moins sur la disette’. En vérité, j’aimerais mieux, pour sa réputation et sa bonne odeur de probité, qu’il eût rançonné ses libraires. Sans doute il prêtait beaucoup, mais aux grands seigneurs par préférence, et sur bonne hypothèque ; des Guise, des Richelieu figurèrent parmi ses débiteurs ; — et l’on doit à la vérité de convenir qu’ils ne payaient pas leurs arrérages avec une très scrupuleuse exactitude. Les apologistes de parti pris n’insistent guère que sur ce chapitre des opérations de Voltaire. Mais le capital que plaçait ainsi le grand homme, et qu’il plaçait généralement en rentes viagères, spéculant sur son apparence chétive et sur sa santé chancelante, peut-être fallait-il bien qu’il l’eût gagné quelque part, puisqu’il ne l’avait trouvé ni dans la succession paternelle, ni dans la représentation de ses pièces, ni dans la vente enfin de ses ouvrages. Il y a dans le Ilnrlner de Séville une réplique célèbre : le comte Almaviva explique brièvement à Figaro le service qu’il rend à la morale en enlevant Rosine au docteur Bartholo. « Chef-d’œuvre de morale en vérité, monseigneur ! lui repart Figaro : faire à la fois le bien public et le bien particulier. » Voltaire a décidément excellé dans cet art délicat.

Je cherche en vain : de quelque côté que je regarde,

étrangères, par M. Auberlin dans son livre sur l’Esprit public (lu viii « siikle.

. Voyez Desnoiresterres, t. II, p. 165.