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ÉTUDES CRITIQUES.

tionnel. » Et de qui donc enfin, de quel autre Anglais résumait-on ainsi tout récemment la doctrine : « Tant que des êtres humains peuvent avoir encore faim et froid dans le pays qui nous eptoure, non seulement il n’y a pas d’art possible, mais il n’est pas possible de discuter que la splendeur du vêtement ou du mobilier soit un crime ? » Quel est-il, ce barbare, ou cet iconoclaste, qui a osé dire : (( Mieux vaut cent fois laisser s’eiïriter les marbres de Phidias, et se faner les couleurs des femmes de Léonard que de voir se flétrir les traits des femmes vivantes et se remplir de larmes les yeux des enfants qui pourraient vivre si la misère ne les pâlissait déjà de la couleur des tombeaux ? » Quel est-il ? et si, par hasard, prophète ou apôtre de lart, il s’appelait John Ruskin, et qu’il eût fondé la (( religion de la beauté », ne faudrait-il pas convenir qu’il y a quelque chose de change dans l’Angleterre des économistes ? Une pitié s’est emparée d’elle, qu’on peut dire qu’elle avait désapi)rise depuis le temps de Shakspeare, et, chose inattendue ! de cette pitié même, qu’on eût pu croire inesthétique, se sont inspirées quelques-unes des œuvres dart dont nos voisins sont le plus justement fiers : Aurora Leigh, Adam Bedo, et celles de cette école de peinture, plus « ruskiiiicnno » encore que préraphaélite. N’y a-t-il pas là de quoi donner à réfléchir ?

Mais quel cours la réflexion ne prendra-t elle pas, presque nécessairement, si l’on observe que, vers le même temps, le théâtre français, sous rinflucnce d’Alexandre Dumas, le roman russe avec Tolsto’i et Dostoievsky, et, dirai je le théâtre ? mais plutôt la pensée Scandinave, avec Ibsen et Biurnson, tendaient