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ÉTUDES CRITIQUES

occupé dans l’histoire une place assez considérable pour qu’il convienne, selon les humeurs, d’en imputer le blâme ou l’honneur à son premier auteur. Cet auteur, c’est bien celui de Cléveland et de Manon Lescaut et tous ceux qui depuis ont développé, répandu, propagé la doctrine dans le monde n’ont fait que l’emprunter à Prévost.

III

J’arrive à cette Manon Lescaut, dont je pourrais presque me dispenser de rien dire, si le lecteur ne m’y attendait sans doute, et puis si ce n’était elle qui, survivant à peu près seule aux autres œuvres de Prévost, m’eût permis d’en parler aussi longuement jusqu’ici. Ce livre fameux soulève deux questions tout d’abord, dont la première est de savoir en quelle année il parut. Sur la foi des paroles de Mlle Aïssé, que nous avons citées tout à l’heure, on a cru qu’il datait de 1728, et quelques-uns lé croient peut-être encore. En effet, nous lisons d’un œil aujourd’hui si sec les Mémoires d’un homme de qualité, que nous ne comprenons guère que l’on y ait « fondu en larmes », s’ils n’étaient suivis des Aventures du chevalier des Grieuw. Mais que peut notre étonnement contre les documents authentiques ? Au mois d’octobre 1728, si ses lettres sont bien datées, Mlle Aïssé n’avait pu lire que les deux premiers volumes des Mémoires d’un homme de qualité, comme le prouvent surabondamment les registres de la librairie. Le troisième et le quatrième parurent ensemble à Paris à là