Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/23

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conscience, il nous faut commencer par respecter celle des autres.

Mais rendons surtout justice à leur talent, quand ils en ont. C’est une mince consolation, dira-t-on, pour les vaincus d’Austerlitz et d’Iéna que d’avoir été battus par le vainqueur de Marengo ! Je ne suis pas de cet avis. Il y a, dans la défaite, la défaite elle-même, ses résultats et ses suites : il y a aussi les conditions dans lesquelles nous l’avons subie. Il m’est pénible d’être battu : il me le serait plus encore de l’être ou de l’avoir été par un imbécile ! Cela est vrai surtout dans le domaine des idées. Aux idées qui me sont chères, si quelqu’un a porté de ces coups qu’on appelle « sensibles », je n’aimerais point qu’il fut un sot, — Bouvard ou Pécuchet. La qualité de son talent importe à l’opinion que je me fais de moi-même et de la bonté de ma cause. « Peu de gens, a dit Renan, dans sa manière la plus impertinente, ont le droit de ne pas croire au christianisme. » Si peu de gens ont, en effet, ce droit, il m’importe, à moi, chrétien, que ceux qui se l’arrogent ne soient pas les premiers venus. C’est dans l’intérêt de ma cause que je veux qu’ils aient du talent, et que ce talent seul