Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il y avait là comme une grande province que personne encore, ni le savant Sacy, l’auteur de la Religion des Druses, ni le grand Eugène Burnouf, l’auteur de l’Introduction à l’histoire du Bouddhisme, — et leur maître à tous, — n’avait eu l’art, ni peut-être l’idée d’incorporer à la littérature générale. Renan, lui, en conçut l’ambition, et le plus sûr de sa gloire est de l’avoir réalisée.

Je ne lui en fais certes pas un reproche ; et, au contraire, je sais qu’il est toujours difficile, à un écrivain tel qu’il fut, de résister, si je puis ainsi dire, à la pente naturelle et comme à l’entraînement de son propre talent. On le peut cependant ; et, pour son honneur, j’aimerais qu’il l’eût essayé. Il a préféré, selon son expression, « caresser sa petite pensée ». Soit ! mais qu’en ce cas, on ne nous parle plus de sa « philosophie » ni de son amour de la « vérité ». Sa philosophie n’en est pas une, et son amour le la vérité n’a consisté qu’à se rendre aveugle

    n’a-t-il pas fini par en convenir lui-même, quand il a écrit, dans la Préface de son Histoire du peuple d’Israël : « Pour un esprit philosophique, c’est-à-dire pour un esprit préoccupé des origines, il n’y a vraiment que trois histoires de premier intérêt : l’histoire grecque, l’histoire d’Israël, l’histoire romaine » ?