Page:Brunetière - Cinq lettres sur Ernest Renan, 1904.djvu/76

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d’un « Jaune » ou d’un « Noir », qui d’ailleurs n’est pas la même, n’est pas non plus celle d’un « Blanc ». Mais nous savons aussi que l’histoire de l’humanité n’est, en un certain sens, que l’histoire du rapprochement, du mélange, et de la fusion des races. Nous savons encore que, si le mélange est plus fréquent et la fusion plus intime entre des races plus voisines, le « Sémite » et l’« Aryen » sont des « blancs ». Nous savons que si des Français, des Anglais, des Allemands s’opposent par toute la suite de leur histoire, cela tient précisément à ce qu’ils ont, comme hommes, les mêmes appétits, les mêmes convoitises, les mêmes ambitions. Les différences ne sont qu’à la surface : l’identité est au fond. « Grattez le Russe et vous trouverez le Cosaque », dit une espèce de proverbe. Mais Shakespeare a bien mieux dit quand il a mis dans la bouche de Shylock ces paroles devenues non moins proverbiales : « Quand vous nous frappez, ne le sentons-nous pas ? Quand vous nous insultez, n’en frémissons-nous pas ? Et si vous nous outragez, ne nous vengerons-nous pas[1] ? »

  1. Rétablissons ici le texte de Shakespeare, afin qu’on puisse