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Page:Brunetière - Discours de réception, 1894.djvu/39

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de m. ferdinand brunetière.

d’avoir préféré l’existence à la vie. » Je ne pense pas, Messieurs, que vous me repreniez de cette éloquente citation, si ce qui est vrai de la musique ne l’est pas moins, l’est presque plus de la littérature. On n’est un écrivain qu’à la condition de vouloir se survivre ; mais, pour se survivre, il faut que l’on commence par détacher sa pensée du présent, et soi-même se soustraire à la préoccupation de l’actualité ? Tant de livres qui naissent, mais qui meurent aussi tous les ans, n’en sont-ils pas la preuve ? Oublieux des conditions et de l’objet de l’art d’écrire, l’auteur a confondu l’existence et la vie. Pour n’avoir voulu plaire qu’à ses contemporains, son succès ne dure pas au delà de sa génération. Courtisan de la mode, son triomphe devient la matière de sa perte ; et qu’importe après cela le talent qu’il y a dépensé, si la mémoire ne saurait manquer