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Page:Brunetière - Histoire et Littérature, t1, 1884.djvu/60

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HISTOIRE ET LITTÉRATURE.

des leçons d’école. Et ce qui donne à rire, c’est si peu la pensée prise en elle-même qu’au contraire c’est souvent le contraste qui éclate entre la profondeur de cette pensée même et la sottise coutumière de celui qui l’émet ; y ayant à vrai dire des bouches qui ne sont faites pour laisser échapper quoi que ce soit d’un peu sensé. Le vrai moyen d’échapper à la vulgarité, c’est de penser par soi-même. On pourrait dire alors qu’en traversant le milieu d’une pensée sincère, les lieux communs s’y dépouillent de ce qu’ils ont de banal, et ne conservent de tout ce que l’on confond sous le nom de banalité que l’universalité seule, pour en ressortir originaux et vrais d’une vérité toute nouvelle. C’est sur la prose des grands prédicateurs et des grands avocats, les uns et les autres portés en quelque sorte au lieu commun par profession, que je conseillerais au lecteur de faire l’expérience. Car c’est là qu’il verrait à nu, je dis chez les plus grands, — dans un discours de Démosthène ou dans un plaidoyer de Cicéron, dans une oraison funèbre de Bossuet ou dans un sermon de Bourdaloue, dans un réquisitoire de Sheridan ou dans une diatribe de Burke, — c’est là qu’il verrait ce que devient le plus usé des lieux communs quand il est traité comme il doit être traité, c’est-à-dire quand l’orateur a repensé, retrouvé, redécouvert pour son compte les raisons d’éternelle vérité qui, justement, en ont fait ce que l’on appelle un lieu commun.

Il est vrai que la chose est bien plus difficile que