Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/281

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tout seul, il suffisait pour déclarer que l’auteur de Madame Bovary ne s’était nullement proposé de « représenter la vie », — qu’il exécrait, c’est son mot, autant que Balzac l’avait aimée, — mais de faire servir la vie à la réalisation d’une doctrine ou d’un idéal d’art. Je ferai même observer en passant que c’est l’une des raisons pour lesquelles il déplaisait souverainement à Flaubert d’être toujours appelé l’auteur de Madame Bovary. C’est qu’au lieu d’un roman de la vie réelle, il eût voulu que l’on n’y vît qu’une œuvre d’art, et une œuvre d’art de la même nature que la Tentation de saint Antoine ou que Salammbô, puisqu’elle n’était qu’une application des mêmes procédés d’art à la description des mœurs de province.

Nos romanciers le croiront-ils ? C’est à la critique, dont il a si fort médit, — parce qu’aussi bien en son vivant il avait percé sans elle, ou n’en avait guère éprouvé que la malveillance, — et c’est à Taine en particulier que Balzac est redevable d’une part de sa gloire. Serait-elle sans cela la même, et, tôt ou tard, son influence eût-elle été aussi considérable ? Je ne saurais prouver le contraire ! Mais, en fait,