Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/328

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Considérons encore la fortune que cette idée devait faire et qu’effectivement, depuis cinquante ans, elle a faite. On ne parle aujourd’hui que de « solidarité », et peut-être, en en parlant, ne sait-on pas toujours très bien ce qu’on veut dire ; mais les idées n’ont pas besoin d’être claires pour agir, et on finit tout de même par s’entendre. S’il est donc vrai que personne en son temps n’ait fait plus que Balzac pour la répandre, et de la meilleure manière, en la suggérant et en la persuadant plutôt qu’en l’énonçant ou qu’en la démontrant ; si sa Comédie humaine, en un certain sens, n’est comme qui dirait que le recueil des preuves et la vivante illustration de cette idée ; si c’est elle, en retour, qui depuis cinquante ans nous a aidés à voir en Balzac un tout autre esprit et d’une tout autre portée que les romanciers qu’on lui comparait encore en 1850 ; et enfin, tandis que les systèmes des « philosophes » ses contemporains, — dont le plus illustre s’appelait, je crois, Adolphe Garnier, et dont le chef-d’œuvre est un Traité des Facultés de l’âme, — rentraient dans l’ombre, si ce sont, au rebours, les idées du romancier que le philosophe eût traité de