Page:Brunetière - Honoré de Balzac, 1906.djvu/332

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de l’invention verbale n’avait souvent, chez Hugo, suppléé l’insuffisance de l’idée. Car les mots expriment des idées, encore que plusieurs de ceux qui les entrechoquent ne s’en rendent pas toujours très bien compte ; et on pense, rien qu’en « parlant », quand on parle comme Hugo, avec ce sentiment, qui fut le sien, de la profondeur des vocables, et ce don prodigieux d’en tirer des résonnances inconnues.

Et dirai-je maintenant qu’ « entre » le romantisme et le positivisme, ou « au-dessus » d’eux, Sainte-Beuve et Balzac, frères ennemis réconciliés dans le « naturalisme », représenteront peut-être le meilleur de l’héritage intellectuel que nous aura légué le XIXe siècle ? C’est une manière nouvelle de concevoir l’homme et la vie, libérée de tout a priori, dégagée de toute métaphysique, ou plutôt c’est une méthode, une méthode complexe et subtile, comme les phénomènes eux-mêmes qu’elle se propose d’étudier, une méthode concrète et positive, une méthode laborieuse et patiente, la méthode, en deux mots, dont le Port-Royal de l’un, la Comédie humaine de l’autre, sont deux monuments destinés à durer aussi longtemps que la