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Page:Brunetière - L’Évolution de la poésie lyrique en France au dix-neuvième siècle, t2, 1906.djvu/184

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L’ÉVOLUTION DE LA POÉSIE LYRIQUE


et dans l’homme, c’est la même nature qui se manifeste ou plutôt qui se joue, qui s’incarne un moment dans une forme d’un jour, qui la reprend ensuite pour la faire servir à d’autres usages ; — et tel est le sens des « descriptions » de M. Leconte de Lisle.

Vous comprenez aussi, je l’espère, en quoi l’alliance de la science et de la poésie a consisté pour lui. Son intention ou son œuvre, pour mieux dire, n’a pas été du tout de les fondre l’une dans l’autre, et de mettre en vers, comme je vous disais, la loi de Mariotte ou la zoologie philosophique de Geoffroy-Saint-Hiiaire. Il ne s’est même pas proposé, dans Bhagavat ou dans Çunacépa, d’exposer les dogmes du brahmanisme. Non ! mais il s’est rendu compte que la science et l’art, puisant à la même source, devaient manifester identiquement les mêmes lois ou signifier les mêmes idées, chacun par ses moyens à soi ; et puisque tout à l’heure, à ce propos, je vous ai mis sous les yeux quelques lignes de Renan, en voici. Messieurs, quelques-unes de Taine qui achèveront d’éclairer la question : « Pour atteindre, dit-il dans sa Philosophie de l’art, à la connaissance des causes permanentes et génératrices desquelles son être et celui de ses pareils dépendent, l’homme a deux voies : la première, qui est la science, par laquelle, dégageant ces causes et ces lois fondamentales, il les exprime en formules exactes et en termes abstraits ; la seconde, qui est l’art, par laquelle il manifeste ces causes et ces lois fondamentales… d’une façon sensible, en s’adressant, non seulement à la raison, mais au cœur et aux sens de l’homme le plus