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LES ÉPOQUES DU THÉÂTRE FRANÇAIS.

de celles que l’événement a démenties. Car si je suis tenté d’admirer la perspicacité de l’auteur de la Brouette, quand je le vois qui réclame, il y a plus de cent ans passés, l’éducation professionnelle, j’en rabats. Mesdames et Messieurs, quand je le vois, dans son Tableau de Paris, à la veille des journées de la Révolution, nous démontrer l’impossibilité physique de l’émeute dans les rues de la capitale…

VII

Commencez-vous, cependant, à voir pourquoi le drame bourgeois du xviiie siècle n’a pas pu s’élever au-dessus du Philosophe sans le savoir ? et que, d’expliquer son insuccès par la seule médiocrité de ceux qui l’ont traité, il n’y a vraiment pas moyen, si Beaumarchais fut l’un des mieux « doués » de nos auteurs dramatiques ; et, à défaut du génie propre de l’auteur dramatique, si Diderot a sans doute possédé quelques-unes des qualités qui font les grands esprits. Il nous faut quelque explication plus profonde, et je crois être en mesure de vous la proposer… Par une rencontre assez ordinaire, les mêmes circonstances qui ont favorisé l’éclosion du drame sont également celles qui l’ont empêché de s’élever plus haut ; à peu près comme un peu de soleil et un peu de pluie font pousser les plantes, mais trop de soleil les grille, et trop de pluie les noie.

C’est ainsi qu’il faut de la « morale » dans l’art, nous l’avons dit, et je le répète ; mais encore n’en faut-il pas trop, ni surtout que l’on fasse de la scène une chaire ou une tribune. On y peut défendre ou soutenir des idées ; il faut même que l’on y en défende ; mais quelles idées ? c’est une première question ; et de quelle manière ? c’en