Page:Brunetière - Nouveaux essais sur la littérature contemporaine, 1897.djvu/186

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Voilà, je pense, qui n’est pas vulgaire, et si ce sentiment est bien l’âme des descriptions de Leconte de Lisle, c’est ce que nous voulions dire tout à l’heure en disant qu’elles sont avant tout scientifiques et philosophiques.

Par une conséquence assez naturelle, — ou nécessaire même, comme on pourrait le montrer, — cette préoccupation de la nature, ainsi définie, le conduisait à s’occuper particulièrement des religions, comme n’étant, en réalité, que l’expression des rapports de l’homme et de la nature ambiante. C’est ce qu’Ernest Renan, vers le même temps, disait à sa manière, quand il avançait ce paradoxe célèbre que « le désert était monothéiste ». Comme Renan donc, et je ne suis pas le premier qui en fasse la remarque, ce type abrégé, cette formule ethnique que les races disparues laissent en mémoire d’elles aux races qui les remplacent, c’est dans les symboles de la religion que l’a cherchée l’auteur des Poèmes antiques et des Poèmes barbares. Tel est le sens de Surya, de Bhagavat, de la Vision de Brahma, de Kybèle, de Khiron. — qu’en passant nous aimerions mieux qu’il eût appelés Chiron et Cybèle comme tout le monde, — ou encore de Qaïn, de la Légende des Nornes, du Massacre de Mona. Dans cette revue qu’il a faite de l’histoire, à la suite et comme sur la trace des érudits, des orientalistes et des ethnographes, c’est des formes successives ou contradictoires de la conception du divin que le poète s’est surtout montré curieux.