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Page:Brunetière - Nouveaux essais sur la littérature contemporaine, 1897.djvu/196

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en l’emprisonnant elle-même dans l’armure d’une technique trop savante ? Je ne résous pas la question. Mais on voit aisément que, si jamais on la décidait dans le sens de la moindre contrainte, c’en serait fait alors de l’influence de Leconte de Lisle ; elle aurait cessé d’agir ; et de l’intention générale de son œuvre nous ne retiendrions plus que ce que l’esprit contemporain en a comme incorporé dans sa propre substance. Par exemple, aucun Cassagnac ne traitera désormais de « polisson » le divin auteur d’Andrémaque et de Phèdre ; aucun Goncourt ne soupçonnera les anciens de s’être eux-mêmes inventés pour devenir après deux mille ans « le pain des professeurs » ; et personne enfin ne niera qu’une poésie « naturaliste et athée » puisse en égaler une autre en grandeur. Il est vrai qu’on devrait le savoir depuis qu’un certain Lucrèce a écrit le De natura Rerum.

Je pourrais dire encore quelques mots de la théorie de l’art pour l’art, qui fut celle de Leconte de Lisle, et à laquelle il n’a pas cru moins fermement ou moins passionnément que Flaubert même.


Du bonheur impassible ô symbole adorable,


s’écriait-il, en s’adressant à la Vénus de Milo,


Calme comme la mer en sa sérénité,
Nul sanglot n’a brisé ton sein inaltérable,
Jamais les pleurs humains n’ont terni ta beauté !


À quoi peut être on pourrait répondre, un peu bru-