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214 QUESTIONS DE CRITIQUE meux Jules Vallès jusqu’au Journal de MM. Edmond et Jules de Concourt. Ceux-ci ont payé pour les autres. Quelles sont les causes de ce développement mala- dif et monstrueux du Moi? La recherche en serait c ■ assurément curieuse ; mais, aujourd’hui, la question que j’examine est autre, et uniquement littéraire : il s’agit de savoir si ce Moi qui jadis passait, selon le mot de Pascal, pour a haïssable », et qu’il fallait ab- solument « couvrir », comme il disait encore, a con- quis désormais parmi nous le droit de s’étaler dans sa gloire et de se carrer dans son insolence? Quand nous ouvrirons un livre, sera-ce pour y apprendre, comme si nous étions, nous, des enfants trouvés, que l’auteur a eu un père, des frères, une famille; ou l’âge auquel il fit ses dents, combien de temps dura sa coqueluche, les maîtres qu’il eut au collège, et comment il passa son baccalauréat ? Convierons-nous nos romanciers, comme on faisait naguère nos peintres, à se mirer eux- mêmes dans leurs œuvres, ou à s’y dépeindre avec exactitude, pour l’instruction de la postérité ? Et est- ce une tendance enfin que l’on doive encouniger chez eux, que cette complaisance infinie pour leur notable personne, — sans faire attention qu’elle n’est qu’une forme aussi du plus impertinent dédain pour tout ce qui n’est pas eux. Si en effet, comme je le disais, nous n’avons, grâce à Dieu, manqué en aucun temps d’épistoliers pour tirer soigneusement copie de leurs lettres, ou d au-