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Page:Brunetière - Questions de critique, 1897.djvu/38

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QUESTIONS DE CRITIQUE

fais point ici la critique de ce livre, et, provisoirement, j’en adopte les conclusions. Quelque influence donc que les femmes aient eue certainement à la cour des princes de la maison de Valois, — et encore que quelques-unes s’y montrent plus qu’émancipées de l’ancienne servitude, — cependant il ne paraît point qu’elles aient eu le pouvoir de diriger le courant de l’esprit public ou seulement de le remonter, et, d’une manière générale, elles l’ont suivi. Ni Rabelais, ni Calvin, ni Montaigne, ni tant d’autres, et précisément les plus grands, ne semblent avoir subi l’influence des femmes de leur temps, ni s’être révoltés contre elle ; — ce qui est, comme l’on sait, une autre manière de la subir. Pensent-ils peut-être, avec Érasme, « que la femme est un animal inepte et ridicule, divertissant d’ailleurs et agréable ; … que Platon a eu raison de se demander s’il fallait la mettre au rang des êtres raisonnables ou la laisser dans l’espèce des brutes ;., et que, de même qu’un singe est toujours un singe, une femme, quelque rôle qu’elle joue, demeure toujours femme, c’est-à-dire sotte et folle » ? Je les en crois volontiers capables. Mais, quoi qu’ils pensent d’ailleurs, il ne leur vient pas à l’esprit que si la femme est une personne, elle puisse être un personnage ; qu’elle puisse revendiquer sa part aux occupations des hommes ; et encore bien moins, par conséquent, qu’elle puisse concevoir l’idée de les conduire, de les diriger, et de les régler. Notre littérature française du xvie siècle est encore toute virile, sans