Page:Bruno Destrée - Les Préraphaélites, 1894.djvu/18

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guerres napoléoniennes. » Il passe ensuite en revue les peintres de cette époque sans pouvoir en trouver un qu’il pût choisir comme modèle. « J’avais, dit-il, admiré Landseer, alors que je faisais partie du public, mais comme artiste, mes sentiments étaient très différents à son égard. Il avait, en effet, produit des œuvres réellement raffinées et poétiques, mais la pommadeuse texture de sa peinture, l’absence d’os solides en-dessous de ses chairs, et l’évanouissement de toute forme dans un vague nuage, le rendaient sans intérêt pour moi. Etty peignait des sujets classiques avec le goût d’un tapissier parisien ; Mulready n’avait qu’un dessin sans fermeté et était gâté par son faible pour le joli ; Maclise, par contre, excellent dessinateur, était trop souvent mélodramatique ; Leslie, au premier rang des peintres de figure, était pour moi le mieux inspiré. Il avait une douce simplicité, le goût de la couleur saine et le pouvoir de donner à ses types des expressions naturelles, mais c’était essentiellement un miniaturiste ; William Collins avait peint quelques figures admirables, mais ne pouvait être pris comme maître par un artiste épris d’idéal ; Dyce enfin, le plus instruit, le plus cultivé de tous les peintres, avait eu comme récompense d’être arraché pour plusieurs années à sa profession et de n’être enfin découvert que sur l’avis du peintre allemand Cornelius, qui déclinait en sa faveur l’honorable proposition qui lui avait été faite — avec un préjugé bien anglais, dit M. Hunt — de peindre le palais du Parlement. Dyce avait alors recommencé sa carrière, mais trop tard pour pouvoir exercer une salutaire influence sur l’école anglaise. Avec Dyce se terminait la liste des peintres de figure ayant eu quelque talent. Turner achevait de disparaître dans un éblouissant soleil couchant. Les hommes plus jeunes attestaient le manque d’un leader par leur diversité. » Voilà quel est le tableau que nous trace M. Hunt de la peinture anglaise à cette époque. En résumé donc, ni originalité puissante ni tradition ; un art conven-

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