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larges et somptueux, qu’ils sont lumineux, flamboyants tes manteaux. Celui que tu portes le jour est d’un azur resplendissant ; de blancs nuages y sont brodés tout traversés de soleil, et la nuit, chevalier, se drapent et flottent autour de toi de grands manteaux de soie bleue, voilés de transparentes vapeurs roses ; des étoiles y brillent par milliers, et la jeune fille qui rêve accoudée à la fenêtre croit voir des yeux, de tendres yeux briller dans chaque étoile, et tremblante découvre des traits chéris dans la forme changeante des nuages.

Et ton cœur, chevalier printemps, est fait de feu, de neige, de flamme et de lumière ; le divin amour y règne avec l’espérance, et c’est lui qui de joie et d’amour nous transporte et nous fait penser un instant que nous sommes jeunes comme toi, et capables de ton amour, ô chevalier béni, printemps radieux, splendide et fier.


PAYSAGE NOCTURNE.
à monsieur jean-marie gaspar.
Bercées, caressées des souffles du vent, dorment, dorment les collines au bord des vallons assoupis. Vertes sont les collines, bleues les vallées, blanches les routes, les routes poudreuses, poussiéreuses qui méandrent, serpentent et se perdent au loin dans le calme sommeil de la vallée.

Des voiles et des ombres bleues flottent aux contours adoucis des collines, et les roches des falaises étincellent et brillent comme des boucliers de pierre précieuse aux rayons purs de la lune.

Des nuages blancs et roux passent sans cesse devant la lune, des nuages blancs et roux qui la voilent, s’éclairent d’elle et s’effilochent, formant au ciel des lacs d’azur aux bords de neige.

Des flots de lumière très douce s’épandent, inondent la vallée. Elle semble une claire et jeune ville grecque, avec son acropole et ses temples dominant la ville, ses blanches maisons carrées aux toits plats, et ses rues étroites et toute ombre comme des rivières resserrées en des gorges profondes et bleues. Le ciel est très pur par dessus, et un vent frais, parfumé au baiser des vagues, souffle de la mer voisine.

De grands nuages blancs, comme de géants flocons de neige vierge, montent lentement dans le ciel et d’une grande couverture d’ouate recouvrent l’azur nocturne. En ce duvet

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