contenu, sans référence à une forme préalablement déterminée, que jaillit l’organisation systématique dont notre science actuelle offre l’image.
Nous allons nous demander, dans les pages qui suivent, s’il est possible, du point de vue empiriste, de mettre debout une théorie des rapports de l’expérience et de la causalité, qui satisfasse aux caractères de la science moderne.
En apparence, rien ne sera plus facile. J’approche la main d’une bougie allumée, et je me brûle les doigts. Je lance une boule dans la direction d’une autre boule qui était en repos ; celle-ci est atteinte et déplacée. La brûlure que je ressens, le mouvement qui frappe mes yeux, sont des faits donnés à la suite d’autres faits qui les précèdent immédiatement. La liaison de l’antécédent et du conséquent est, dans chaque groupe de phénomènes, tellement simple et tellement directe qu’elle semble inhérente à l’expérience par laquelle nous sommes avertis des faits eux-mêmes. Voyant le feu et sentant la brûlure, nous disons et nous avons le droit de dire : le feu brûle. Lançant une boule et assistant après le choc au mouvement de la seconde boule, nous disons et nous avons le droit de dire : le choc est la cause du mouvement. L’empirisme n’aurait donc, semble-t-il, qu’à recueillir les impressions du sens commun pour constituer une doctrine positive de la causalité.
3. — Or, c’est ici que l’histoire de la pensée moderne présente un spectacle paradoxal, bien fait pour frapper les philosophes et plus particulièrement les empiristes. Il a fallu attendre la première moitié du xixe siècle pour que les théories empiristes de la causalité réussissent à prendre une forme positive, avec Maine de Biran et avec John Stuart Mill. Succès tardif, qui a l’air aussi d’un succès précaire. On accordera sans doute que, du point de vue empiriste, il serait difficile de pousser l’analyse systématique plus loin que ne l’a fait ou Biran ou Mill ; et c’est pourquoi leurs ouvrages s’imposent inévitablement à notre examen. Mais s’ils ont épuisé, pour ainsi dire, les ressources que pouvait fournir ou l’expérience interne ou l’expérience externe, il est d’autant plus remarquable d’avoir à constater comme ces doctrines si célèbres sont peu accréditées. La cosmologie a de moins en moins égard à la psychologie de l’effort volontaire ; les schémas inductifs de Mill n’ont jamais franchi les murs de l’École pour conquérir droit de cité dans les laboratoires.
Et ce n’est pas assez dire encore : les théories empiristes de la causalité, qui demeurent à travers le cours de la philosophie moderne des tentatives abstraites et isolées, présentent