tivité cartésienne, qui ne devait pas se révéler moins embarrassante ; car elle oblige à concevoir un espace dépourvu de tout point d’attache, de toute base de référence, à partir de quoi s’opérerait la mesure : l’espace de la relativité absolue, qui était constitué pour permettre la mesure véritable et qui pourtant la rend effectivement impossible. Or, si l’on s’est condamné à l’alternative insoluble de l’espace absolument absolu et de l’espace absolument relatif, c’est d’abord parce qu’on a déraciné l’espace de l’activité coordinatrice, que l’homme est sans doute capable d’étendre à l’infini, mais qui a dans l’organisme son origine, son centre de perspective. L’espace est relatif à notre corps, et relativement à ce corps il est un donné.
De même, prolonger dans le vide l’espace du géomètre comme s’il se terminait avant d’avoir reçu le monde, c’est créer à plaisir d’inextricables difficultés. En effet, l’espace devient alors un contenant dont on ne saurait dire comment il s’adapte à son contenu, puisqu’il répugne également aux conditions de notre représentation, d’étendre à l’infini la matérialité de l’univers pour la rendre adéquate à l’infinité de l’espace, ou de limiter l’étendue donnée de l’univers par la capacité de la remplir. Au contraire, d’après la théorie de la relativité généralisée, « les propriétés métriques du continu spatio-temporel sont différentes dans l’entourage de chaque point spatio-temporel et conditionnées par la matière qui se trouve en dehors de la région considérée. Ce changement spatio-temporel des relations entre les règles de mesure et les horloges, ou la conviction que l’espace vide n’est physiquement ni homogène, ni isotrope, — ce qui nous oblige à représenter son état par dix fonctions, les potentiels de gravitation gμν, — ces faits, dis-je, ont définitivement écarté la conception que l’espace serait physiquement vide[1] ».
En définitive, nous avions cru plus commode d’avoir complété notre connaissance de l’espace avant d’aborder l’étude du monde réel ; nous étions dupes, et nous devenons victimes, de cette fatalité apparente ; car, une fois que nous avons isolé l’espace abstrait, il nous est impossible de le raccorder avec ce qu’il devrait trouver en face de lui, qui devrait être autre chose que l’abstrait et qui, sous l’aspect de l’atome ou de l’éther, tout comme sous celui de la substance aristotélicienne, « n’est en réalité que le mot d’existence hypostasié[2] », l’abstraction de ce qui ne veut pas être une abstraction.