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III
Une Découverte scandaleuse.


Enfin, le pythagorisme a un autre droit à notre reconnaissance. Non seulement il a fait fond sur la parfaite intelligibilité du nombre arithmétique pour établir les principes des sciences exactes, il a posé, avec une telle netteté que son institution s’en est trouvée ébranlée, le problème général des rapports entre la raison et la foi ; mais sur le terrain même du savoir rationnel les Pythagoriciens ont fait cette découverte, la plus certaine et la plus merveilleuse, la plus scandaleuse et la plus féconde à la fois, que leur doctrine logeait son ennemi dans son propre sein ; et par là leur rôle historique s’est trouvé singulièrement élargi.

En figurant par des points les nombres, nombres carrés, nombres rectangulaires, nombres triangulaires, les Pythagoriciens se donnaient le spectacle d’une constante et parfaite harmonie entre ce qui se combine pour l’esprit et ce qui se représente à l’imagination. Or, cette harmonie entre l’intelligible et le réel sur laquelle reposait leur conception du monde et de la vie, voici qu’elle se rompt avec une évidence contraignante, avec un éclat douloureux et cruel, par l’application scrupuleuse des méthodes qui avaient fait l’honneur de l’École. Le théorème auquel le nom de Pythagore demeure attaché prouve que le carré fait sur l’hypoténuse est égal à la somme des carrés faits sur les deux côtés de l’angle droit. Or le triangle rectangle le plus simple serait le triangle isocèle qui a pour côté l’unité.

Un raisonnement irrécusable, dont Aristote a conservé le mécanisme, démontre que dans ce cas la longueur de