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NUMMULITES.

Il est impossible que nous voyions ces masses montagneuses formées avec les coquilles d’une famille unique ainsi surajoutées aux matériaux solides qui constituent l’écorce du globe, sans qu’aussitôt cette idée frappe notre esprit, que chacune de ces coquilles en particulier a tenu une place importante dans l’organisation de quelque animal vivant, et sans que notre imagination se trouve ainsi reportée en arrière, jusqu’à ces époques reculées où les eaux de l’Océan, qui recouvrait alors notre Europe, étaient remplies par des bancs flottans de ces mollusques éteints, pareils à ces bancs de beroés et de clios, qui s’observent de nos jours dans les eaux des mers polaires[1].

Les nummulites, de même que les nautiles et les ammonites, sont partagées en des chambres aériennes dont l’ensemble était destiné à remplir l’office d’un flotteur ; mais on n’y voit point

  1. Cette population immense de nummulites qui fourmillait, suivant notre hypothèse, dans les anciennes mers, est représentée de nos jours par la fécondité prodigieuse de la mer du Nord. D’après ce que dit Cuvier, dans son Mémoire sur le clio borealis, la surface de ces mers, lorsque les eaux en sont tranquilles, fourmille de tant de millions de ces mollusques, qui plongent sans cesse et reviennent à la surface pour y respirer l’air atmosphérique, que les baleines peuvent à peine ouvrir leur énorme gueule sans engloutir des milliers de ces petites créatures gélatineuses, longues d’un pouce, et qui, avec les méduses et quelques autres animaux plus petits, forment la base de la nourriture de ces monstrueux habitans des mers. Nous trouvons un rapprochement tout pareil dans le fait suivant, que rapporte le journal de Jameson, tome 2, page 12 : « Le nombre des petites méduses, dans certaines parties des mers du Groenland, est si grand, qu’un pouce cube pris au hasard n’en contient pas moins de 64 ; il y en a donc 110,592 dans un pied cube : et si l’on prenait un mille cube (or on ne peut douter que la mer ne soit chargée de ces petits êtres dans une étendue aussi considérable), on aura un nombre tellement effrayant, que si, supposé qu’un homme en puisse compter un million par semaine, il eût fallu employer 80,000 personnes depuis l’origine du monde pour arriver à en obtenir le compte.» — Voyez l’admirable leçon d’introduction faite parle docteur Kidd à son cours d’anatomie comparée, Oxford, 1824, p. 35.