Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/111

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À la fin du xviiie siècle, d’après des observations suivies pendant huit ans par Brémontier, les dunes de la Teste avançaient de 20 à 25 mètres par an dans l’intérieur des terres, et, d’après les calculs du célèbre ingénieur, Bordeaux eût été ensevelie en 2 000 ans. On lit dans un mémoire intitulé : Projets d’amélioration pour une partie du Ve arrondissement de Bordeaux, présenté au conseil du dit arrondissement, le 26 messidor de l’an VIII par le citoyen Fleury fils aîné de la Teste, l’un de ses membres : « Elles (les dunes) envahissent chaque année, sur toute leur longueur, plus de 10 toises de toutes sortes de propriétés. » Or 10 toises valent à peu près 20 mètres.

Bien que l’avancement annuel des dunes du Médoc n’ait pas été mesuré spécialement à cette même époque, il est permis de penser qu’il devait être aussi de 20 mètres environ. Ces mesures concordent d’ailleurs avec les documents historiques. L’église de Lège, rebâtie en 1480 à quatre kilomètres de sa position primitive, dut être reportée encore en 1650 à trois kilomètres plus loin dans les terres. La fameuse basilique de Soulac, qui date du xiie siècle, fut complètement ensevelie en 1744, après des vicissitudes diverses. Il y eut à son sujet ce fait curieux, conséquence des lois exposées tout à l’heure sur le cheminement des dunes, à savoir que la dune après l’avoir couverte entièrement, découvrit ensuite, au commencement du xixe siècle, le faîte de l’édifice. Le vent avait poussé au delà la colline sableuse qui laissa alors émerger de son flanc occidental le clocher et les combles de l’église jadis perdue.

Il faut se garder de croire, nous l’avons dit, que la vitesse de progression des dunes ait été constante. Elle a varié sûrement aux diverses époques de l’histoire, elle variait même d’une année à l’autre, et évidemment dans une même année, suivant la violence des vents et la fréquence des tempêtes. Brémontier cite des dunes ayant, par de fortes tempêtes, avancé de deux pieds en 3 heures, de trois pieds en 6 jours. Tous ceux qui connaissent les dunes ont pu et peuvent voit encore de pareils phénomènes. D’autre part on a constaté de longs moments d’accalmie dans l’invasion des sables, La preuve en est sur la côte de Soulac, où jadis les apports sableux furent considérables, puis cessèrent, puis paraissent devoir reprendre.

Vers 1872, dans les Landes, la progression des dunes était de 4m30 en moyenne par an, et la quantité de sable transporté de 75mc par mètre courant de dune littorale. M. Raulin, observant que toutes les dunes d’un même rivage ne marchent pas à la fois, estime que l’avancement des dunes de la Guienne n’a dû être que de 1 à 2 mètres par an dans l’ensemble.

Toutes choses égales d’ailleurs, la vitesse de progression des dunes est en raison inverse de leur volume (Brémontier).

Les sables cheminent d’autant plus vite qu’ils sont plus rapprochés de la côte, car la force du vent est d’autant plus grande qu’elle s’est moins dépensée et a rencontré moins de résistances. Conséquem-