Aller au contenu

Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au bleu dans le lointain. Elle plonge dans l’étang par une pente rapide que marquent par places des taches de sable blanc. Tout cela paraît absolument désert et fait songer à quelque contrée mystérieuse et inexplorée.

La traversée du lac effectuée, on aborde sur une plage de sable fin au pied du versant est de la dernière chaîne des dunes et l’on pénètre en forêt. Celle-ci est une futaie de beaux pins, bien droits, ordinairement plus âgés et plus nombreux sur les hauteurs que dans les lèdes, futaie silencieuse, où le chant des oiseaux est rare. Un tapis brun d’aiguilles sèches couvre le sol. Par endroits, un sous-bois très abondant de jeunes pins grêles végète sous le couvert des grands arbres ; ailleurs ce sont des ajoncs, qui dressent leurs raides rameaux épineux, ou des genêts dont au printemps les gerbes fleuries retombent en cascades d’or. Cela continue longtemps ainsi sur les sommets et dans les fonds, sur les pentes et dans les lèdes ; la pineraie couvre uniformément d’immenses étendues de sables sans se différencier autrement que par la dimension et l’espacement de ses arbres. Le terrain est extrêmement accidenté, surtout près de l’étang ; d’étroits et profonds vallons succèdent aux sommets élevés et les versants sont souvent si abrupts qu’on croirait à des précipices. Ces sommets sont disposés en séries de trois ou quatre chaînes parallèles à la côte. Des sentiers montueux, des chemins pénibles à suivre sur le sable mouvant tournent et circulent parmi les mouvements du terrain. De loin en loin, les garde-feu, larges allées rectilignes, interrompent le massif et ouvrent des échappées de vue sur ces curieuses collines de poussière si heureusement boisées. Quelques dunes très élevées permettent d’embrasser le panorama de la contrée : à l’ouest, l’océan immense ; au nord, au sud, tout le long de la côte, les vertes cimes des pins étalant leur manteau sur la région montueuse des sables ; à l’est, aux pieds du spectateur, le grand lac et les marais, puis au delà le plat pays s’étendant à perte de vue avec ses pignadas et ses landes rases, du milieu desquelles surgissent les quelques clochers des bourgs voisins ; au premier rang est celui d’Hourtin accompagné de ses grands ormeaux.

Poursuivant jusqu’à la mer, on remarque après un certain parcours que plus on en approche, plus le terrain s’égalise, atténue ses accidents, pour n’être plus qu’une sorte de grande plaine ondulée. En même temps, les pins deviennent courts, tortueux, touffus. On ne les voit bientôt plus que comme des arbustes à ramure irrégulière, confuse, dont les troncs tourmentés rampent sur le sol, parmi les aiguilles sèches. Couchés sous les efforts continuels du vent, ces troncs semblent d’énormes reptiles aux écailles rugueuses, qui déroulent leurs puissants anneaux sous le feuillage et redressent ensuite leur tête branchue d’hydre inoffensive. Puis ces arbustes deviennent buissons, s’éparpillent et s’isolent dans la lède littorale. On arrive sur celle-ci au sortir du bois, et l’on est tout d’abord frappé par l’aspect étrange