était plus élevée que les parties environnantes, et qu’elle était exempte de vases. »
À l’époque historique encore, l’embouchure du fleuve était plus vaste qu’elle ne l’est actuellement et semée d’îles que les vases accumulées ont définitivement soudées entre elles. L’estuaire s’élargissait beaucoup et continuellement jusqu’à la mer, au lieu de présenter le brusque rétrécissement d’aujourd’hui. Pomponius Méla, qui vivait au 1er siècle de l’ère chrétienne, écrit: « 11. Garumna ex Pyrenæo monte delapsus, (…) at ubi obvius Oceani exæstuantis accessibus, adauctus est ; iisdemque retro remeantibus, suas illiusque aquas agit, aliquantum plenior et quanto magis procedit, eo latior fit ; ad postremum magni freti similis nec majora tantum navigia tolerat, … » (De situ orbis, lib. III, 11.) — « La Garonne descendant des monts Pyrénées,… dès qu’elle rencontre les flots écumants de la marée montante, elle grossit et s’en accroît ; lorsque ces flots redescendent, elle pousse ses eaux avec eux et plus elle s’avance, plus large devient son lit ; en dernier lieu pareille à un bras de mer, non seulement elle porte de grands navires, mais… » Description de la terre, livre III, 11, édition d’Élie Vinet, 1582).
Selon l’opinion de M. Goudineau, confirmée d’ailleurs par l’étude de la constitution du terrain comme par le texte précédent, la pointe de Grave n’existait pas autrefois. Elle a été formée uniquement de sable et de gravier apportés par les courants marins. Auparavant ce sont les massifs de St-Nicolas et de Cordouan qui marquaient la rive gauche du fleuve dont l’embouchure proprement dite était par suite bien au nord-ouest de sa position actuelle.
À l’époque romaine la première île qu’on rencontrait en remontant la Gironde était l’île d’Antros, sans doute celle à laquelle fait allusion la fin du rapport précédemment cité. Antros vient du celtique et signifie sauteuse. Pomponius Méla, le seul géographe latin qui en parle, écrit à la suite du passage cité tout à l’heure, ces lignes obscures dont on ne peut donner une traduction satisfaisante : « 12. In eo (Garumna) est insula Antros nomine: quam pendere, et attoli aquis increscentibus ideo incolæ existimant: quia quum videatur editior aquis objacet: ubi se fluctus implevit, illam operit ; nec, ut prius, tanquam ambit: et quod ea quibus ante ripæ, collesque ne cernerentur obstiterant, tunc velut ex loco superiore prospicua sunt. » (De situ orbis, lib. III, 12.) — « Il existe dans le lit de ce fleuve une île appelée Antros. Dans l’opinion des habitants elle est suspendue sur les eaux qui la soulèvent dès qu’elles grandissent, car lorsqu’elle paraît élevée elle domine les eaux, mais dès que le fleuve grossit, il la recouvre et ne l’entoure plus comme auparavant, et alors les choses qui précédemment cachaient la vue des rives et des collines sont vues comme d’un lieu plus élevé. » (Même édition).
Les géographes modernes ont contesté l’existence d’Antros ; en tout cas on n’est pas fixé sur sa position et sa configuration exactes.