Page:Buffault - Étude sur la côte et les dunes du Médoc.djvu/49

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Peut-être même est-ce également l’origine des anciennes tanneries et pelleteries de Lesparre. Mathieu Paris, dans son Histoire, dit sur l’an 1252 que les Gascons étaient alors liés de commerce avec Cordoue, Séville et Valence. A fortiori devaient-ils l’être quand les Sarrasins dominaient en Espagne et dans l’Aquitaine. Il est donc tout naturel que ces derniers aient élevé un phare à l’entrée de la Gironde que les courants marins, bouleversés depuis les cataclysmes du VIe siècle, rendaient plus dangereuse, sur la route que suivaient les navires pour aller aux ports de Souclac et de Bordeaux.

Cependant M. Dutrait dit (Dictionnaire topographique et toponymique du Médoc) que le vrai nom est Corda, d’où est dérivé adjectif Cordanus. Le récif Corda portait la tour Cordane, ainsi que le phare est généralement appelé au moyen-âge.

À ce moment le terrain qui supportait l’édifice sarrasin, faisait partie de la terre ferme. On en a plusieurs preuves.

L’abbé d’Expilly, dans son Dictionnaire Géographique de la France, dit de cette tour : « Elle est bâtie… sur une isle de rochers qui suivant la tradition étoit alors contigüe à la terre ferme du Bas-Médoc et il ne paroit pas douteux que cela n’aît été ainsi, Il est également plus que vraisemblable que c’est par cette même langue de terre que furent voiturés tous les matériaux dont cet édifice est composé. »

Voici comment s’exprime Vinet dans ses Commentaires sur Ausone (1575) : « Scopulus est in medulico oceano, non procul ostio Garumnæ, sustinens turrim præaltam, unde nocturno navium cursus igne ostenditur, a proximo medulorum angulo quinque minimum passuum millibus distans sed cujus olim partem fuisse non dubitem. »

La tradition locale a de tout temps affirmé cet ancien état de choses. On lit dans Baurein : « Une tradition qui subsiste encore dans le bas-Médoc, porte que le local sur lequel celle Tour est placée étoit anciennement si peu séparé du continent, que pour y arriver, il suffisait d’enjamber un très petit courant d’eau, en y plaçant au milieu quelque-chose pour y appuyer le pied. » On trouve dans un mémoire lu à la Société d’agriculture de la Seine (tome ix, 1806) ; « L’isle de Cordouan qui tenoit à la terre ferme… ». Brémontier dit la même chose. Un rapport de l’Ingénieur des Ponts et chaussées à la Pointe de Grave, dressé vers 1850, soutient aussi cette idée qui subsiste encore de nos jours dans le pays.

Enfin l’examen des anciennes cartes marines vient également la confirmer. En passant des plus anciennes aux plus récentes on voit l’île de Cordouan se rétrécir et la passe de Grave s’approfondir et s’élargir de plus en plus. On conçoit aisément le moment où cette passe a commencé à se creuser et l’époque antérieure où le plateau de Cordouan appartenait au continent.

La tour ne resta pas seule, des maisons se groupèrent auprès, et, un peu plus tard, une église puis une abbaye s’y bâtirent, ainsi que nous