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L’île émerge assez haut au-dessus des eaux, surtout à l’extrémité opposée au phare où s’élèvent une tour polygonale et une assez grande maison.

La Pointe de Grave, où l’abordage est facile, dit la carte de Blaw, est large, arrondie et avance bien plus en mer qu’actuellement. La profondeur maximale de l’eau tout contre la rive est de 33 pieds ou 11m (tandis que le gouffre qui s’y creuse de nos jours atteint déjà 26m). Toute la pointe est sablonneuse. Mais on constate que le terrain occupé aujourd’hui par les dunes du Rocher était, avant le XVIIe siècle, à l’état de marais salants. Comme tout à côté, à l’est, sont les marais considérables du Logis dont le chenal se déverse dans l’anse de l’Aigron (aujourd’hui de la Chambrette), cela confirme la thèse de M. Goudineau sur la formation accidentelle de la Pointe de Grave et sa nature de terrain de transport. (Voir plus haut page 23).

Au sud, dans les sables, est une petite dune à côté de laquelle la carte de Blaw met la mention suivante : Chapelle de St -Nicolas à présent ruinée, ancienne Paroisse.

La rive maritime présente successivement : la pointe du grand Terrier, la pointe de Jean du Soau dont les rochers de « St -Nicolas » ou « d’Usseau » sont aujourd’hui les restes ; puis la pointe d’Esteorte ou de Lestor, à la hauteur du bois du même nom. Ce bois, où nous voyions aux siècles précédents les gens du pays s’approvisionner de harts, s’ensable de plus en plus et disparaîtra bientôt sous une grande dune aride qui conservera le nom de Lestor. Entre ces deux pointes d’Esteorte et du Soau est une baie très peu dessinée, l’anse du Saurtou, qui deviendra l’anse bien approfondie des Huttes.

Sur le fleuve, après l’anse de l’Aigron, se trouve la pointe du même nom, moins allongée qu’aujourd’hui et d’où part la patache ou bateau qui fait le service entre la côte du Médoc et celle de Saintonge. Le hameau du Verdon n’est alors constitué que par les quelques habitations appelées maintenant les Grandes Maisons ; plus au sud un vaste espace triangulaire, occupé par les marais salants du Verdon et de Soulac, au milieu desquels serpente un fort chenal qui porte ce dernier nom. Sur ce chenal, la carte de Blaw indique un port, reste de celui de Soulac. Au sommet ouest du triangle se trouve cette ville.

La même carte de Blaw donne le plan détaillé de celle-ci. On y remarque, parmi d’assez nombreuses maisons dont quelques-unes importantes, l’église et auprès d’elle un moulin élevé sur une butte ; seuls ces deux édifices survivront à l’ensablement. Il est intéressant de voir qu’à cette époque les dunes arrivent contre l’église. La ville, sans doute primitivement bâtie autour de la basilique, qui en était le centre, n’existe plus qu’à l’est de cet édifice, le laissant sur son bord occidental. C’est l’emplacement occupé actuellement par la dune qui porte le monastère et le passage à niveau de la voie ferrée. Le fait suivant corrobore le témoignage de la carte : en 1894, lors du creusement d’un puits au chalet que M. Daniel a fait bâtir sur celle même dune en face du couvent, les fouilles ont découvert des matériaux de construction. Ces derniers appartiennent évidemment aux maisons de l’ancien bourg, enseveli sous la dune en question. Du reste, plusieurs personnes attestent encore aujourd’hui que les habitations de leurs ancêtres sont bien sous cette dune.