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La côte du Médoc a subi un affaissement qui doit se continuer encore de nos jours. Bien des preuves l’établissent.

Il convient d’abord de remarquer que l’érosion marine capable de modifier sérieusement un continent, comme cela a eu lieu sur la rive Gasconne, ne s’exerce généralement que contre un rivage en voie d’affaissement. Nous avons déjà fait allusion à cela en exposant que la mer attaque ses rives avec une intensité dépendant de divers éléments, dont la stabilité de ces mêmes rives n’est pas le moindre. On le conçoit aisément d’ailleurs. Citons à l’appui de notre proposition l’opinion de M. de Lapparent. Le savant professeur écrit dans son Traité de Géologie : « On peut dire sans exagération que des érosions capables de modifier sensiblement la forme des contours océaniques ne se produisent que sur les points où la croûte terrestre s’affaisse. Partout ailleurs l’œuvre propre des flots se réduit à très peu de chose. » Et encore : « Ajoutons qu’un rivage qui s’affaisse est plus sujet qu’un autre à être attaqué par l’érosion marine et qu’ainsi, à moins d’indices contraires, il peut y avoir dans l’intensité de cette érosion une présomption en faveur d’un affaissement. »

De nombreux faits et plusieurs observations faites sur la côte permettent de changer cette présomption en certitude.

Tout le monde a vu, rejetés par les vagues sur les plages médocaines, des blocs d’alios et de tourbe lignitiforme de diverses grosseurs. Ces blocs ont été arrachés par l’océan à des bancs qui sont actuellement au-dessous du niveau de la mer, ou au moins au-dessous du niveau de la haute mer et qu’on voit de temps à autre à ciel ouvert, lorsque par une forte marée ou une tempête les vagues rongent la plage et enlèvent le sable qui recouvre ordinairement ces assises. Or, pour l’alios et plus encore pour la tourbe où l’on retrouve des débris de plantes de marais, de bois de bruyère et de chêne, la formation de ces bancs n’a pu avoir lieu qu’à une certaine hauteur au-dessus de l’océan. Il a donc fallu un abaissement du sol pour les amener sous les eaux.

Plusieurs affirment avoir vu en mer, à marée basse, des ruines, des pans de murs, etc., débris de Noviomagus, de Lavardin ou d’autres ports ; on a trouvé sur l’argile découverte sous la plage de Soulac des empreintes de pas d’hommes et d’animaux, des traces de salinières et de parcs à moutons, etc. La submersion de la pineraie de l’abbaye de Soulac et de nombre d’églises et de villages, relatée par les vieilles chroniques, là présence de troncs d’arbres encore en place debout, sur les plages de Montalivet, sont aussi des faits du même ordre. Tout cela ne peut évidemment s’expliquer que par un affaissement du sol. L’érosion marine seule n’aurait pas laissé ces débris debout, ni ces empreintes intactes, mais les aurait dispersés et détruits.

Le fait suivant démontre avec évidence l’affaissement du Bas-Médoc. Ayant procédé à un nivellement entre la plage et la vieille église