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HIPPOLYTE BUFFENOIR

Cris d’Amour et d’Orgueil



LA CHANSON DU RETOUR



À Diane de…



Quand expirent les jours, les longs jours de l’absence,
Quand l’amant désiré peut enfin revenir,
Quelle joie en son cœur, et quelle renaissance !
Quels beaux défis jetés à l’obscur avenir !

Comme les maux passés, les tourments et les craintes
S’évaporent soudain au soleil du retour !
Comme la volupté des nouvelles étreintes
Dissipe l’ombre épaisse où tremblait notre amour !

Tout murmure, et tout dit : Victoire à l’espérance !
Le courage abattu reprend un air altier,
Grandit, absorbe l’être en son exubérance,
Et fait que les amants bravent le monde entier.

Ah ! retrouver, revoir la femme idolâtrée
Dont le cher souvenir ne fut jamais lointain,
Dont la possession et l’image adorée
Sont un trésor discret, vivant et clandestin !

La revoir ! Lui parler ! Rencontrer son sourire,
Ses grands yeux ! L’enlacer ! Soudain prendre sa main !
Lui conter la douceur du retour, et décrire
Les jours bons et mauvais, en suivant le chemin !

Amis, rappelez-vous la voix des amoureuses,
Leurs gestes, leurs transports, leur fièvre du plaisir ;
Rappelez-vous ces nuits, ces heures bienheureuses
Où la possession comblait votre désir !

Plus l’angoisse fut grande, et plus notre allégresse
A de force et d’ardeur ; plus long fut le tourment,
Et plus âpre est la joie, et plus douce est l’ivresse
De l’amante qui vient au devant de l’amant !

Loi terrible et cruelle ! Étranges destinées !
Il faut avoir souffert, pleuré, longtemps gémi ;
Il faut avoir connu les pesantes journées,
Avec la mort dans l’âme il faut s’être endormi,

Anthologie Contemporaine.
Vol. 32. Série III (No 8).