Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» M. de Buffon qui aimait en tout l’ordre et la méthode, avait placé son cabinet de travail loin de son château, non seulement pour se défendre des importuns, mais surtout parce qu’il voulait séparer ses travaux de ses affaires. Obligé de consulter un grand nombre d’ouvrages, se servant beaucoup des extraits qu’il faisait prendre par ses secrétaires, il n’avait cependant près de lui, lorsqu’il écrivait, que son seul manuscrit. À Montbard, l’ameublement de la chambre de M. de Buffon, quoique luxueux, témoignait cependant, par le petit nombre d’objets dont il se composait, à quel point il était l’ennemi des choses inutiles. On y voyait un lit à la duchesse tendu d’une étoffe semblable à celle de la tapisserie et couronné, suivant la mode du temps, d’une sorte de dais à franges, posé sur quatre colonnes dorées ; un bureau de Boule placé près de la cheminée, sur lequel se trouvait un seul volume, probablement le livre de ses pensées ; près de ce meuble, qui restait toujours ouvert, était un fauteuil en canne, et plus loin, dans l’embrasure d’une croisée, une petite table de bois noir pour le secrétaire. Le seul meuble de luxe qui décorât l’appartement était une glace fort belle et fort haute, posée sur une console dont le marbre blanc à veines d’or était d’un grand prix. Après la mort tragique du jeune comte de Buffon, ce meuble précieux, dont le district s’était emparé, fut brisé pendant le trajet de Montbard à Semur. Dans cette chambre, presque nue, ou dans son cabinet de travail, d’un arrangement plus simple encore, M. de Buffon a passé sa vie à travailler. »

Le lecteur n’a certainement pas laissé passer sans en être frappé ce détail significatif : le salon tapissé par les figures d’oiseaux peintes pour l’Histoire naturelle. C’est là un des traits du caractère de Buffon : il se pare pour écrire son œuvre, et celle-ci sert à l’ornementation de la partie la plus fréquentée de sa demeure.

Indépendamment de ses propriétés de Buffon et de Montbard, remarquables par de superbes forêts, Buffon possédait des forges importantes, dans lesquelles il fit lui-même et fit faire un grand nombre d’expériences destinées à servir à l’histoire des minéraux. Des recherches y furent faites sur la fabrication des canons, par ordre du ministre de la marine. Buffon faisait pour l’amélioration de ses forges et pour ses expériences des sacrifices de toutes sortes. Aussi ses aciers et ses fers ne tardèrent-ils pas à jouir d’une certaine renommée. C’est dans ses forges que furent fabriquées les grilles qui entourent encore aujourd’hui le Jardin des Plantes. Il faut, sans doute, attribuer à la préoccupation de développer en France la fabrication du fer et de l’acier les idées nettement protectionnistes de Buffon. Dans sa correspondance, il ne manque jamais de décocher un trait aux économistes partisans du libre échange.

Il préférait la solitude et la tranquillité de Montbard à la vie trop agitée de Paris ; il s’était retiré peu à peu de la plupart des cercles dans lesquels il