Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/59

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Cependant, après la publication des Xe et XIe volumes, en 1764, Grimm paraît revenir à une appréciation plus saine de l’œuvre de Buffon : « On comptera, écrit-il, parmi les ouvrages qui ont illustré le siècle de Louis XV, l’Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roi, entreprise par MM. de Buffon et Daubenton, de l’Académie royale des sciences, et garde du Jardin du Roi et de son Cabinet d’histoire naturelle. Ces deux hommes célèbres, en réunissant leurs talents et leurs connaissances, ont fourni jusqu’à présent une vaste et belle carrière. M. de Buffon, après avoir exposé dans des discours généraux ses idées sur la formation, la constitution de l’univers, sur la nature et les révolutions de notre globe, sur l’homme, sur les animaux, s’est attaché à l’histoire particulière de chaque espèce ; M. Daubenton y a ajouté la description anatomique et détaillée de chaque animal. Si le travail de M. de Buffon est plus brillant, s’il est reçu avec plus d’empressement de la part du plus grand nombre, qui ne cherche à avoir que des notions générales, il faut convenir que celui de M. Daubenton sera bien précieux à la postérité ; car si jamais la science de la nature peut faire quelque progrès, ce sera par de tels travaux répétés, comparés et transmis de siècle en siècle…

» On a reproché à M. de Buffon une trop grande facilité à créer des systèmes et à s’en engouer ; on a dit qu’il voyait moins la nature dans ses opérations que dans sa tête ; de savants naturalistes des pays étrangers, et surtout d’Allemagne, où cette science est particulièrement cultivée, ont relevé un grand nombre de ses erreurs. Malgré tout cela, M. de Buffon aura toujours la réputation d’un philosophe distingué ; l’élévation de ses idées et de son style lui donnera toujours un droit incontestable à l’emploi difficile et glorieux d’historien de la nature. Si des gens d’un goût sévère lui reprochent un peu trop de poésie dans son style, il faut convenir que ce défaut se pardonne bien plus aisément que la sécheresse et la pauvreté qu’on remarque dans d’autres ouvrages philosophiques de notre temps… En lisant les deux nouveaux volumes que MM. de Buffon et Daubenton viennent de publier, et qui font le dixième et le onzième de leur ouvrage, vous aurez occasion de vous confirmer dans toutes ces idées… L’histoire de l’éléphant et celle du chameau sont les deux morceaux distingués ; mais on admire dans tous les articles de M. de Buffon ce coup d’œil philosophique, cette tête saine et sage, ce style noble, élevé, majestueux, qui enchante et agrandit pour ainsi dire le lecteur… Dans son discours sur les animaux de l’ancien et du nouveau continent, M. de Buffon a exposé une assez belle et grande vue. Il prétend qu’on ne trouve dans l’Amérique que les animaux qui ont pu passer dans ce nouveau continent par le nord de l’ancien. Tous ceux à qui leur tempérament ne permet pas de subsister dans le Nord ne se trouvent pas dans le nouveau monde, parce qu’ils n’ont trouvé aucun passage praticable. Cette conjecture est belle et philosophique ; mais il faut bien se garder de lui assi-