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compris les îles des Callanos, un espace de plus de trois cents lieues de longueur dans cette direction du nord au sud, sur une largeur si petite que dans l’endroit où elle est la plus grande, ces îles n’ont pas sept à huit lieues : il me paraît donc que Kamtchatka, Yeço, le Japon oriental, les îles Barnevelt, du Prince, des Callanos et des Larrons, ne sont que la même chaîne de montagnes et les restes de l’ancien pays que l’océan a rongé et couvert peu à peu. Toutes ces contrées ne sont en effet que des montagnes, et ces îles des pointes de montagnes ; les terrains moins élevés ont été submergés par l’océan, et, si ce qui est rapporté dans les Lettres édifiantes est vrai, et qu’en effet on ait découvert une quantité d’îles qu’on a appelées les Nouvelles-Philippines, et que leur position soit réellement telle qu’elle est donnée par le P. Gobien, on ne pourra guère douter que les îles les plus orientales de ces nouvelles Philippines ne soient une continuation de la chaîne de montagnes qui forme les îles des Larrons ; car ces îles orientales, au nombre de onze, sont toutes placées les unes au-dessus des autres dans la même direction du nord au sud ; elles occupent en longueur un espace de plus de deux cents lieues, et la plus large n’a pas sept ou huit lieues de largeur dans la direction de l’est à l’ouest.

Mais si l’on trouve ces conjectures trop hasardées, et qu’on m’oppose les grands intervalles qui sont entre les îles voisines du cap Ava, du Japon et celles des Callanos, et entre ces îles et celles des Larrons, et encore entre celles des Larrons et les Nouvelles-Philippines, dont en effet le premier est d’environ cent soixante lieues, le second de cinquante ou soixante, et le troisième de près de cent vingt, je répondrai que les chaînes des montagnes s’étendent souvent beaucoup plus loin sous les eaux de la mer, et que ces intervalles sont petits en comparaison de l’étendue de terre que présentent ces montagnes dans cette direction, qui est de plus de onze cents lieues, en les prenant depuis l’intérieur de la presqu’île de Kamtchatka. Enfin si l’on se refuse totalement à cette idée que je viens de proposer au sujet des cinq cents lieues que l’océan doit avoir gagnées sur les côtes orientales du continent, et de cette suite de montagnes que je fais passer par les îles des Larrons, on ne pourra pas s’empêcher de m’accorder au moins que Kamtchatka, Yeço, le Japon, les îles Bongo, Tanaxima, celles de Lequeogrande, l’île des Rois, celle de Formosa, celle de Vaif, de Bashe, de Babuyanes, la grande île de Luçon, les autres Philippines, Mindanao, Gilolo, etc. ; enfin la Nouvelle-Guinée, qui s’étend jusqu’à la Nouvelle-Bretagne, située sous le même méridien que Kamtchatka, ne fassent une continuité de terre de plus de deux mille deux cents lieues, qui n’est interrompue que par de petits intervalles, dont le plus grand n’a peut-être pas vingt lieues, en sorte que l’océan forme dans l’intérieur des terres du continent oriental un très grand golfe, qui commence à Kamtchatka et finit à la Nouvelle-Bretagne ; que ce golfe est semé d’îles, qu’il est figuré comme le serait tout autre enfoncement que les eaux pourraient faire à la longue en agissant continuellement contre des rivages et des côtes, et que par conséquent on peut conjecturer avec quelque vraisemblance que l’océan, par son mouvement constant d’orient en occident, a gagné peu à peu cette étendue sur le continent oriental et qu’il a de plus formé les mers méditerranées de Kamtchatka, de Corée, de la Chine, et peut-être tout l’archipel des Indes, car la terre et la mer y sont mêlées de façon qu’il paraît évidemment que c’est un pays inondé, duquel on ne voit plus que les éminences et les terres élevées, et dont les terres plus basses sont cachées par les eaux ; aussi cette mer n’est-elle pas profonde comme les autres ; et les îles innombrables qu’on y trouve ne sont presque toutes que des montagnes.

Si l’on examine maintenant toutes ces mers en particulier, à commencer au détroit de la mer de Corée vers celle de la Chine, où nous en étions demeurés, on trouvera que cette mer de Chine forme dans sa partie septentrionale un golfe fort profond, qui commence à l’île Fungma, et se termine à la frontière de la province de Pékin, à une distance d’environ quarante-cinq ou cinquante lieues de cette capitale de l’empire chinois ; ce golfe, dans