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sa partie la plus intérieure et la plus étroite, s’appelle le golfe de Changi : il est très probable que ce golfe de Changi et une partie de cette mer de la Chine ont été formés par l’océan, qui a inondé tout le plat pays de ce continent, dont il ne reste que les terres les plus élevées, qui sont les îles dont nous avons parlé ; dans cette partie méridionale sont les golfes de Tonquin et de Siam, auprès duquel est la presqu’île de Malaye formée par une longue chaîne de montagnes, dont la direction est du nord au sud, et les îles Andaman, qui sont une autre chaîne de montagnes dans la même direction, et qui ne paraissent être qu’une suite des montagnes de Sumatra.

L’océan fait ensuite un grand golfe qu’on appelle le golfe de Bengale, dans lequel on peut remarquer que les terres de la presqu’île de l’Inde font une courbe concave vers l’orient, à peu près comme le grand golfe du continent oriental, ce qui semble aussi avoir été produit par le même mouvement de l’océan d’orient en occident : c’est dans cette presqu’île que sont les montagnes de Gates, qui ont une direction du nord au sud jusqu’au cap de Comorin, et il semble que l’île de Ceylan en ait été séparée et qu’elle ait fait autrefois partie de ce continent. Les Maldives ne sont qu’une autre chaîne de montagnes, dont la direction est encore la même, c’est-à-dire du nord au sud ; après cela est la mer d’Arabie qui est un très grand golfe, duquel partent quatre bras qui s’étendent dans les terres, les deux plus grands du côté de l’occident, et les deux plus petits du côté de l’orient ; le premier de ces bras du côté de l’orient est le petit golfe de Cambaie, qui n’a guère que 50 à 60 lieues de profondeur, et qui reçoit deux rivières assez considérables, savoir le fleuve Tapty et la rivière de Baroche, que Pietro della Valle appelle le Mehi ; le second bras vers l’orient est cet endroit fameux par la vitesse et la hauteur des marées, qui y sont plus grandes qu’en aucun lieu du monde, en sorte que ce bras, ou ce petit golfe tout entier, n’est qu’une terre, tantôt couverte par le flux, et tantôt découverte par le reflux, qui s’étend à plus de 50 lieues : il tombe dans cet endroit plusieurs grands fleuves, tels que l’Indus, le Padar, etc., qui ont amené une grande quantité de terre et de limon à leurs embouchures, ce qui a peu à peu élevé le terrain du golfe, dont la pente est si douce, que la marée s’étend à une distance extrêmement grande. Le premier bras du golfe Arabique vers l’occident est le golfe Persique, qui a plus de 250 lieues d’étendue dans les terres, et le second est la mer Rouge, qui en a plus de 680 en comptant depuis l’île de Socotora : on doit regarder ces deux bras comme deux mers méditerranées, en les prenant au delà des détroits d’Ormuz et de Bab-el-Mandel, et quoiqu’elles soient toutes deux sujettes à un grand flux et reflux, et qu’elles participent par conséquent au mouvement de l’océan, c’est parce qu’elles ne sont pas éloignées de l’équateur où le mouvement des marées est beaucoup plus grand que dans les autres climats, et que d’ailleurs elles sont toutes deux fort longues et fort étroites : le mouvement des marées est beaucoup plus violent dans la mer Rouge que dans le golfe Persique, parce que la mer Rouge, qui est près de trois fois plus longue et presque aussi étroite que le golfe Persique, ne reçoit aucun fleuve dont le mouvement puisse s’opposer à celui du flux, au lieu que le golfe Persique en reçoit de très considérables à son extrémité la plus avancée dans les terres. Il paraît ici assez visiblement que la mer Rouge a été formée par une irruption de l’océan dans les terres ; car, si on examine le gisement des terres au-dessus et au-dessous de l’ouverture qui lui sert de passage, on verra que ce passage n’est qu’une coupure, et que de l’un et de l’autre côté de ce passage les côtes suivent une direction droite et sur la même ligne, la côte d’Arabie depuis le cap Rozalgate jusqu’au cap Fartaque étant dans la même direction que la côte d’Afrique depuis le cap de Guardafui jusqu’au cap de Sands.

À l’extrémité de la mer Rouge est cette fameuse langue de terre qu’on appelle l’isthme de Suez, qui fait une barrière aux eaux de la mer Rouge et empêche la communication des mers. On a vu, dans le Discours précédent, les raisons qui peuvent faire croire que la mer Rouge est plus élevée que la Méditerranée, et que, si l’on coupait l’isthme de Suez,