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Copa arrivent aussi dans la mer Noire par le Bosphore cimmérien ; les rivières de la Mingrélie, dont le Phase est la principale, se vident aussi dans la mer Noire, de même que le Casalmac, le Sangaris et les autres fleuves de l’Asie Mineure qui ont leur cours vers le nord ; néanmoins le Bosphore de Thrace n’est comparable à aucune de ces grandes rivières. » (Voyez Voyages du Levant de Tournefort, vol. II, p. 123.)

Tout cela prouve que l’évaporation suffit pour enlever une quantité d’eau très considérable, et c’est à cause de cette grande évaporation qui se fait sur la Méditerranée, que l’eau de l’Océan coule continuellement pour y arriver par le détroit de Gibraltar. Il est assez difficile de juger de la quantité d’eau que reçoit une mer : il faudrait connaître la largeur, la profondeur et la vitesse de tous les fleuves qui y arrivent, savoir de combien ils augmentent et diminuent dans les différentes saisons de l’année ; et quand même tous ces faits seraient acquis, le plus important et le plus difficile reste encore, c’est de savoir combien cette mer perd par l’évaporation ; car, en la supposant même proportionnelle aux surfaces, on voit bien que dans un climat chaud elle doit être plus considérable que dans un pays froid ; d’ailleurs, l’eau mêlée de sel et de bitume s’évapore plus lentement que l’eau douce, une mer agitée, plus promptement qu’une mer tranquille ; la différence de profondeur y fait aussi quelque chose : en sorte qu’il entre tant d’éléments dans cette théorie de l’évaporation, qu’il n’est guère possible de faire sur cela des estimations qui soient exactes.

L’eau de la mer Noire paraît être moins claire, et elle est beaucoup moins salée que celle de l’Océan. On ne trouve aucune île dans toute l’étendue de cette mer ; les tempêtes y sont très violentes et plus dangereuses que sur l’Océan, parce que toutes les eaux étant contenues dans un bassin qui n’a, pour ainsi dire, aucune issue, elles ont une espèce de mouvement de tourbillon, lorsqu’elles sont agitées, qui bat les vaisseaux de tous les côtés avec une violence insupportable. (Voyez Voyages de Chardin, p. 142.)

Après la mer Noire, le plus grand lac de l’univers est la mer Caspienne, qui s’étend du midi au nord sur une longueur d’environ 300 lieues, et qui n’a guère que 50 lieues de largeur en prenant une mesure moyenne. Ce lac reçoit l’un des plus grands fleuves du monde, qui est le Volga, et quelques autres rivières considérables, comme celles de Kur, de Faie, de Gempo ; mais, ce qu’il y a de singulier, c’est qu’elle n’en reçoit aucune dans toute cette longueur de 300 lieues du côté de l’orient : le pays qui l’avoisine de ce côté est un désert de sable que personne n’avait reconnu jusqu’à ces derniers temps ; le czar Pierre Ier y ayant envoyé des ingénieurs pour lever la carte de la mer Caspienne, il s’est trouvé que cette mer avait une figure tout à fait différente de celle qu’on lui donnait dans les cartes géographiques ; on la représentait ronde, elle est fort longue et assez étroite ; on ne connaissait donc point du tout les côtes orientales de cette mer, non plus que le pays voisin ; on ignorait jusqu’à l’existence du lac Aral, qui en est éloigné vers l’orient d’environ 100 lieues, ou, si on connaissait quelques-unes des côtes de ce lac Aral, on croyait que c’était une partie de la mer Caspienne, en sorte qu’avant les découvertes du czar il y avait dans ce climat un terrain de plus de 300 lieues de longueur sur 100 et 150 de largeur, qui n’était pas encore connu. Le lac Aral est à peu près de figure oblongue, et peut avoir 90 ou 100 lieues dans sa plus grande longueur, sur 50 ou 60 de largeur ; il reçoit deux fleuves très considérables qui sont le Sirderoias et l’Oxus, et les eaux de ce lac n’ont aucune issue non plus que celles de la mer Caspienne ; et, de même que la mer Caspienne ne reçoit aucun fleuve du côté de l’orient, le lac Aral n’en reçoit aucun du côté de l’occident, ce qui doit faire présumer qu’autrefois ces deux lacs n’en formaient qu’un seul, et que les fleuves ayant diminué peu à peu et ayant amené une très grande quantité de sable et de limon, tout le pays qui les sépare aura été formé de ces sables. Il y a quelques petites îles dans la mer Caspienne, et ses eaux sont beaucoup moins salées que celles de l’Océan, les tempêtes y sont aussi fort dangereuses, et les