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la direction des vents, et qui souvent produisent des vents contraires aux premiers. Ces vents réfléchis par les montagnes se font sentir dans toutes les provinces qui en sont voisines, avec une impétuosité souvent aussi grande que celle du vent direct qui les produit ; ils sont aussi très irréguliers, parce que leur direction dépend du contour, de la hauteur et de la situation des montagnes qui les réfléchissent. Les vents de mer soufflent avec plus de force et plus de continuité que les vents de terre ; ils sont aussi beaucoup moins variables et durent plus longtemps : dans les vents de terre, quelque violents qu’ils soient, il y a des moments de rémission et quelquefois des instants de repos ; dans ceux de mer, le courant d’air est constant et continuel sans aucune interruption : la différence de ces effets dépend de la cause que nous venons d’indiquer.

En général, sur la mer, les vents d’est et ceux qui viennent des pôles sont plus forts que les vents d’ouest et que ceux qui viennent de l’équateur ; dans les terres, au contraire, les vents d’ouest et de sud sont plus ou moins violents que les vents d’est et de nord, suivant la situation des climats. Au printemps et en automne, les vents sont plus violents qu’en été ou en hiver, tant sur mer que sur terre ; on peut en donner plusieurs raisons : 1o le printemps et l’automne sont les saisons des plus grandes marées, et par conséquent, les vents que ces marées produisent, sont plus violents dans ces deux saisons ; 2o le mouvement que l’action du soleil et de la lune produit dans l’air, c’est-à-dire le flux et le reflux de l’atmosphère, est aussi plus grand dans la saison des équinoxes ; 3o la fonte des neiges au printemps, et la résolution des vapeurs que le soleil a élevées pendant l’été, qui retombent en pluies abondantes pendant l’automne, produisent, ou du moins augmentent les vents ; 4o le passage du chaud au froid, ou du froid au chaud, ne peut se faire sans augmenter et diminuer considérablement le volume de l’air, ce qui seul doit produire de très grands vents.

On remarque souvent dans l’air des courants contraires : on voit des nuages qui se meuvent dans une direction, et d’autres nuages, plus élevés ou plus bas que les premiers, qui se meuvent dans une direction contraire ; mais cette contrariété de mouvement ne dure pas longtemps, et n’est ordinairement produite que par la résistance de quelque nuage à l’action du vent et par la répulsion du vent direct, qui règne seul dès que l’obstacle est dissipé.

Les vents sont plus violents dans les lieux élevés que dans les plaines ; et plus on monte dans les hautes montagnes, plus la force du vent augmente jusqu’à ce qu’on soit arrivé à la hauteur ordinaire des nuages, c’est-à-dire à environ un quart ou un tiers de lieue de hauteur perpendiculaire ; au delà de cette hauteur, le ciel est ordinairement serein, au moins pendant l’été, et le vent diminue : on prétend même qu’il est tout à fait insensible au sommet des plus hautes montagnes ; cependant la plupart de ces sommets, et même les plus élevés, étant couverts de glace et de neige, il est naturel de penser que cette région de l’air est agitée par les vents dans le temps de la chute de ces neiges ; ainsi ce ne peut être que pendant l’été que les vents ne s’y font pas sentir : ne pourrait-on pas dire qu’en été les vapeurs légères qui s’élèvent au sommet de ces montagnes retombent en rosée, au lieu qu’en hiver elles se condensent, se gèlent et retombent en neige ou en glace, ce qui peut produire en hiver des vents au-dessus de ces montagnes, quoiqu’il n’y en ait point en été ?

Un courant d’air augmente de vitesse comme un courant d’eau lorsque l’espace de son passage se rétrécit ; le même vent, qui ne se fait sentir que médiocrement dans une plaine large et découverte devient violent en passant par une gorge de montagne, ou seulement entre deux bâtiments élevés, et le point de la plus violente action du vent est au-dessus de ces mêmes bâtiments ou de la gorge de la montagne ; l’air, étant comprimé par la résistance de ces obstacles, a plus de masse, plus de densité, et, la même vitesse subsistant, l’effort ou le coup de vent, le momentum en devient beaucoup plus fort. C’est ce qui