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fait qu’auprès d’une église ou d’une tour, les vents semblent être beaucoup plus violents qu’ils ne le sont à une certaine distance de ces édifices. J’ai souvent remarqué que le vent réfléchi par un bâtiment isolé, ne laissait pas d’être bien plus violent que le vent direct qui produisait ce vent réfléchi, et, lorsque j’en ai cherché la raison, je n’en ai pas trouvé d’autre que celle que je viens de rapporter : l’air chassé se comprime contre le bâtiment et se réfléchit, non seulement avec la vitesse qu’il avait auparavant, mais encore avec plus de masse, ce qui rend en effet son action beaucoup plus violente.

À ne considérer que la densité de l’air, qui est plus grande à la surface de la terre que dans tout autre point de l’atmosphère, on serait porté à croire que la plus grande action du vent devrait être aussi à la surface de la terre, et je crois que cela est en effet ainsi toutes les fois que le ciel est serein ; mais lorsqu’il est chargé de nuages, la plus violente action du vent est à la hauteur de ces nuages, qui sont plus denses que l’air, puisqu’ils tombent en forme de pluie ou de grêle. On doit donc dire que la force du vent doit s’estimer, non seulement par sa vitesse, mais aussi par la densité de l’air, de quelque cause que puisse provenir cette densité, et qu’il doit arriver souvent qu’un vent qui n’aura pas plus de vitesse qu’un autre vent, ne laissera pas de renverser des arbres et des édifices, uniquement parce que l’air poussé par ce vent sera plus dense. Ceci fait voir l’imperfection des machines qu’on a imaginées pour mesurer la vitesse du vent.

Les vents particuliers, soit qu’ils soient directs ou réfléchis, sont plus violents que les vents généraux. L’action interrompue des vents de terre dépend de cette compression de t’air, qui rend chaque bouffée beaucoup plus violente qu’elle ne le serait si le vent soufflait uniformément ; quelque fort que soit un vent continu, il ne causera jamais les désastres que produit la fureur de ces vents qui soufflent, pour ainsi dire, par accès : nous en donnerons des exemples dans l’article qui suit.

On pourrait considérer les vents et leurs différentes directions sous des points de vue généraux, dont on tirerait peut-être des inductions utiles : par exemple, il me paraît qu’on pourrait diviser les vents par zones, que le vent d’est, qui s’étend à environ 25 ou 30 degrés de chaque côté de l’équateur, doit être regardé comme exerçant son action tout autour du globe dans la zone torride ; le vent de nord souffle presque aussi constamment dans la zone froide que le vent d’est dans la zone torride, et on a reconnu qu’à la Terre-de-Feu et dans les endroits les moins éloignés du pôle austral où l’on est parvenu, le vent vient aussi du pôle ; ainsi l’on peut dire que, le vent d’est occupant la zone torride, les vents de nord occupent les zones froides ; et à l’égard des zones tempérées, les vents qui y règnent ne sont, pour ainsi dire, que des courants d’air, dont le mouvement est composé de ceux de ces deux vents principaux qui doivent produire tous les vents dont la direction tend à l’occident ; et à l’égard des vents d’ouest, dont la direction tend à l’orient, et qui règnent souvent dans la zone tempérée, soit dans la mer Pacifique, soit dans l’Océan Atlantique, on peut les regarder comme des vents réfléchis par les terres de l’Asie et de l’Amérique, mais dont la première origine est due aux vents d’est et de nord.

Quoique nous ayons dit que, généralement parlant, le vent d’est règne tout autour du globe à environ 25 ou 30 degrés de chaque côté de l’équateur, il est cependant vrai que dans quelques endroits il s’étend à une bien moindre distance, et que sa direction n’est pas partout de l’est à l’ouest ; car en deçà de l’équateur, il est un peu est-nord-est, et au-delà de l’équateur il est sud-sud-est, et plus on s’éloigne de l’équateur, soit au nord, soit au sud, plus la direction du vent est oblique : l’équateur est la ligne sous laquelle la direction du vent de l’est à l’ouest est le plus exacte ; par exemple, dans l’Océan Indien, le vent général d’orient en occident ne s’étend guère au delà de 15 degrés : en allant de Goa au cap de Bonne-Espérance, on ne trouve ce vent d’est qu’au delà de l’équateur, environ au 12e degré de latitude sud, et il ne se fait pas sentir en deçà de l’équateur ; mais lorsqu’on est arrivé à ce 12e degré de latitude sud, on a ce vent jusqu’au 28e degré lati-