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de hauteur, une quantité de terre égale à 68 000 lieues cubiques : or, l’action étant égale à la réaction, cette explosion aura communiqué au reste du globe la même quantité de mouvement ; mais le globe entier est de 12 310 523 801 lieues cubiques, dont, ôtant 68 000, il reste 12 310 455 801 lieues cubiques dont la quantité de mouvement aura été égale à celle de 68 000 lieues cubiques élevées à une lieue ; d’où l’on voit que la force, qui aura été assez grande pour déplacer 68 000 lieues cubiques et les pousser à une lieue, n’aura pas déplacé d’un pouce le reste du globe.

Il n’y aurait donc pas d’impossibilité absolue à supposer que les montagnes ont été élevées par des tremblements de terre, si leur composition intérieure aussi bien que leur forme extérieure n’étaient pas évidemment l’ouvrage des eaux de la mer. L’intérieur est composé de couches régulières et parallèles remplies de coquilles ; l’extérieur a une figure dont les angles sont partout correspondants : est-il croyable que cette composition uniforme et cette forme régulière aient été produites par des secousses irrégulières et des explosions subites ?

Mais, comme cette opinion a prévalu chez quelques physiciens, et qu’il nous paraît que la nature et les effets des tremblements de terre ne sont pas bien entendus, nous croyons qu’il est nécessaire de donner sur cela quelques idées qui pourront servir à éclaircir cette matière.

La terre ayant subi de grands changements à sa surface, on trouve, même à des profondeurs considérables, des trous, des cavernes, des ruisseaux souterrains et des endroits vides qui se communiquent quelquefois par des fentes et des boyaux. Il y a de deux espèces de cavernes : les premières sont celles qui sont produites par l’action des feux souterrains et des volcans ; l’action du feu soulève, ébranle et jette au loin les matières supérieures, et en même temps elle divise, fend et dérange celles qui sont à côté, et produit ainsi des cavernes, des grottes, des trous et des anfractuosités ; mais cela ne se trouve ordinairement qu’aux environs des hautes montagnes où sont les volcans ; et ces espèces de cavernes, produites par l’action du feu, sont plus rares que les cavernes de la seconde espèce, qui sont produites par les eaux. Nous avons vu que les différentes couches qui composent le globe terrestre à sa surface sont toutes interrompues par des fentes perpendiculaires dont nous expliquerons l’origine dans la suite. Les eaux des pluies et des vapeurs, en descendant par ces fentes perpendiculaires, se rassemblent sur la glaise et forment des sources et des ruisseaux ; elles cherchent par leur mouvement naturel toutes les petites cavités et les petits vides, et elles tendent toujours à couler et à s’ouvrir des routes, jusqu’à ce qu’elles trouvent une issue ; elles entraînent en même temps les sables, les terres, les graviers et les autres matières qu’elles peuvent diviser, et peu à peu elles se font des chemins ; elles forment dans l’intérieur de la terre des espèces de petites tranchées ou de canaux qui leur servent de lit ; elles sortent enfin soit à la surface de la terre, soit dans la mer, en forme de fontaines : les matières qu’elles entraînent laissent des vides dont l’étendue peut être fort considérable, et ces vides forment des grottes et des cavernes dont l’origine est, comme l’on voit, bien différente de celle des cavernes produites par les tremblements de terre.

Il y a deux espèces de tremblements de terre, les uns causés par l’action des feux souterrains et par l’explosion des volcans, qui ne se font sentir qu’à de petites distances et dans les temps que les volcans agissent, ou avant qu’ils s’ouvrent : lorsque les matières qui forment les feux souterrains viennent à fermenter, à s’échauffer et à s’enflammer, le feu fait effort de tous côtés, et, s’il ne trouve pas naturellement des issues, il soulève la terre et se fait un passage en la rejetant, ce qui produit un volcan dont les effets se répètent et durent à proportion dé la quantité des matières inflammables. Si la quantité des matières qui s’enflamment est peu considérable, il peut arriver un soulèvement et une commotion, un tremblement de terre, sans que pour cela il se forme un volcan ; l’air