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produit et raréfié par le feu souterrain peut aussi trouver de petites issues par où il s’échappera, et, dans ce cas, il n’y aura encore qu’un tremblement sans éruption et sans volcan ; mais lorsque la matière enflammée est en grande quantité et qu’elle est resserrée par des matières solides et compactes, alors il y a commotion et volcan ; mais toutes ces commotions ne font que la première espèce des tremblements de terre, et elles ne peuvent ébranler qu’un petit espace. Une éruption très violente de l’Etna causera, par exemple, un tremblement de terre dans toute l’île de Sicile, mais il ne s’étendra jamais à des distances de 3 ou 400 lieues. Lorsque, dans le mont Vésuve, il s’est formé quelques nouvelles bouches à feu, il s’est fait en même temps des tremblements de terre à Naples et dans le voisinage du volcan ; mais ces tremblements n’ont jamais ébranlé les Alpes, et ne se sont pas communiqués en France ou aux autres pays éloignés du Vésuve. Ainsi les tremblements de terre produits par l’action des volcans sont bornés à un petit espace : c’est proprement l’effet de la réaction du feu, et ils ébranlent la terre comme l’explosion d’un magasin à poudre produit une secousse et un tremblement sensible à plusieurs lieues de distance.

Mais il y a une autre espèce de tremblements de terre bien différente pour les effets et peut-être pour les causes ; ce sont les tremblements qui se font sentir à de grandes distances, et qui ébranlent une longue suite de terrain sans qu’il paraisse aucun nouveau volcan ni aucune éruption. On a des exemples de tremblements qui se sont fait sentir en même temps en Angleterre, en France, en Allemagne, jusqu’en Hongrie ; ces tremblements s’étendent toujours beaucoup plus en longueur qu’en largeur : ils ébranlent une bande ou une zone de terrain avec plus ou moins de violence en différents endroits, et ils sont presque toujours accompagnés d’un bruit sourd, semblable à celui d’une grosse voiture qui roulerait avec rapidité. Pour bien entendre quelles peuvent être les causes de cette espèce de tremblement, il faut se souvenir que toutes les matières inflammables et capables d’explosion produisent, comme la poudre, par l’inflammation, une grande quantité d’air ; que cet air, produit par le feu, est dans l’état d’une très grande raréfaction, et que, par l’état de compression où il se trouve dans le sein de la terre, il doit produire des effets très violents. Supposons donc qu’à une profondeur très considérable, comme à 100 ou 200 toises, il se trouve des pyrites et d’autres matières sulfureuses, et que, par la fermentation produite par la filtration des eaux ou par d’autres causes, elles viennent à s’enflammer, et voyons ce qui doit arriver : d’abord ces matières ne sont pas disposées régulièrement par couches horizontales, comme le sont les matières anciennes qui ont été formées par le sédiment des eaux ; elles ont, au contraire, dans les fentes perpendiculaires, dans les cavernes au pied de ces fentes et dans les autres endroits où les eaux peuvent agir et pénétrer. Ces matières, venant à s’enflammer, produiront une grande quantité d’air dont le ressort comprimé dans un petit espace, comme celui d’une caverne, non seulement ébranlera le terrain supérieur, mais cherchera des routes pour s’échapper et se mettre en liberté. Les routes qui se présentent sont les cavernes et les tranchées formées par les eaux et par les ruisseaux souterrains ; l’air raréfié se précipitera avec violence dans tous ces passages qui lui sont ouverts, et il formera un vent furieux dans ces routes souterraines, dont le bruit se fera entendre à la surface de la terre et en accompagnera l’ébranlement et les secousses. Ce vent souterrain, produit par le feu, s’étendra tout aussi loin que les cavités ou tranchées souterraines, et causera un tremblement plus ou moins violent à mesure qu’il s’éloignera du foyer et qu’il trouvera des passages plus ou moins étroits ; ce mouvement se faisant en longueur, l’ébranlement se fera de même, et le tremblement se fera sentir dans une longue zone de terrain ; cet air ne produira aucune éruption, aucun volcan, parce qu’il aura trouvé des issues et qu’il sera sorti en forme de vent et de vapeur. Et quand même on ne voudrait pas convenir qu’il existe en effet des routes souterraines