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près de la Sicile, sur lequel M. Bridone a fait nouvellement des observations qui semblent prouver que sa rapidité et la violence de tous ses mouvements est fort diminuée.

« Le fameux rocher de Scylla est sur la côte de la Calabre, le cap Pelore sur celle de Sicile, et le célèbre détroit du Phare court entre les deux. L’on entend, à quelques milles de distance de l’entrée du détroit, le mugissement du courant ; il augmente à mesure qu’on s’approche, et en plusieurs endroits l’eau forme de grands tournants, lors même que tout le reste de la mer est uni comme une glace. Les vaisseaux sont attirés par ces tournants d’eau ; cependant on court peu de danger quand le temps est calme ; mais, si les vagues rencontrent ces tournants violents, elles forment une mer terrible. Le courant porte directement vers le rocher de Scylla : il est à environ un mille de l’entrée du Phare. Il faut convenir que réellement ce fameux Scylla n’approche pas de la description formidable qu’Homère en a faite ; le passage n’est pas aussi prodigieusement étroit ni aussi difficile qu’il le représente : il est probable que, depuis ce temps, il s’est fort élargi, et que la violence du courant a diminué en même proportion. Le rocher a près de 200 pieds d’élévation ; on y trouve plusieurs cavernes et une espèce de fort bâti au sommet. Le fanal est à présent sur le cap Pelore. L’entrée du détroit entre ce cap et la Coda-di-Volpe, en Calabre, paraît avoir à peine un mille de largeur ; son canal s’élargit, et il a quatre milles auprès de Messine, qui est éloignée de douze milles de l’entrée du détroit. Le célèbre gouffre ou tournant de Carybde est près de l’entrée du havre de Messine ; il occasionne souvent dans l’eau un mouvement si irrégulier que les vaisseaux ont beaucoup de peine à y entrer. Aristote fait une longue et terrible description de ce passage difficile[1]. Homère, Lucrèce, Virgile, et plusieurs autres poètes, l’ont décrit comme un objet qui inspirait la plus grande terreur. Il n’est certainement pas si formidable aujourd’hui, et il est très probable que le mouvement des eaux, depuis ce temps, a émoussé les pointes escarpées des rochers, et détruit les obstacles qui resserraient les flots. Le détroit s’est élargi considérablement dans cet endroit. Les vaisseaux sont néanmoins obligés de ranger la côte de Calabre de très près, afin d’éviter l’attraction violente occasionnée par le tournoiement des eaux ; et, lorsqu’ils sont arrivés à la partie la plus étroite et la plus rapide du détroit, entre le cap Pelore et Scylla, ils sont en grand danger d’être jetés directement contre ce rocher. De là vient le proverbe : incidit in Scyllam cupiens vitare Carybdin. On a placé un autre fanal pour avertir les marins qu’ils approchent de Carybde, comme le fanal du cap Pelore les avertit qu’ils approchent de Scylla[2]. »





ADDITIONS

À L’ARTICLE QUI A POUR TITRE : DES VENTS RÉGLÉS.



I. — Sur le vent réfléchi.

Je dois rapporter ici une observation qui me paraît avoir échappé à l’attention des physiciens, quoique tout le monde soit en état de la vérifier : c’est que le vent réfléchi est plus violent que le vent direct, et d’autant plus qu’on est plus près de l’obstacle qui le renvoie. J’en ai fait nombre de fois l’expérience, en approchant d’une tour qui a près

  1. Aristote. De admirandis, cap. 125.
  2. Voyage en Sicile, par M. Bridone, t. Ier, p. 46 et suiv.