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L’un[1], plus ingénieux que raisonnable, astronome convaincu du système de Newton, envisageant tous les événements possibles du cours et de la direction des astres, explique, à l’aide d’un calcul mathématique, par la queue d’une comète, tous les changements qui sont arrivés au globe terrestre.

Un autre[2], théologien hétérodoxe, la tête échauffée de visions poétiques, croit avoir vu créer l’univers ; osant prendre le style prophétique, après nous avoir dit ce qu’était la terre au sortir du néant, ce que le déluge y a changé, ce qu’elle a été et ce qu’elle est, il nous prédit ce qu’elle sera, même après la destruction du genre humain.

Un troisième[3], à la vérité meilleur observateur que les deux premiers, mais tout aussi peu réglé dans ses idées, explique par un abîme immense d’un liquide contenu dans les entrailles du globe, les principaux phénomènes de la terre, laquelle, selon lui, n’est qu’une croûte superficielle et fort mince qui sert d’enveloppe au fluide qu’elle renferme.

Toutes ces hypothèses faites au hasard, et qui ne portent que sur des fondements ruineux, n’ont point éclairci les idées et ont confondu les faits ; on a mêlé la fable à la physique. Aussi ces systèmes n’ont été reçus que de ceux qui reçoivent tout aveuglément, incapables qu’ils sont de distinguer les nuances du vraisemblable, et plus flattés du merveilleux que frappés du vrai.

Ce que nous avons à dire au sujet de la terre sera sans doute moins extraordinaire, et pourra paraître commun en comparaison des grands systèmes dont nous venons de parler ; mais on doit se souvenir qu’un historien est fait pour décrire et non pour inventer, qu’il ne doit se permettre aucune supposition, et qu’il ne peut faire usage de son imagination que pour combiner les observations, généraliser les faits, et en former un ensemble qui présente à l’esprit un ordre méthodique d’idées claires et de rapports suivis et vraisemblables ; je dis vraisemblables, car il ne faut pas espérer qu’on puisse donner des démonstrations exactes sur cette matière, elles n’ont lieu que dans les sciences mathématiques, et nos connaissances en physique et en histoire naturelle dépendent de l’expérience et se bornent à des inductions.

Commençons donc par nous représenter ce que l’expérience de tous les temps et ce que nos propres observations nous apprennent au sujet de la terre. Ce globe immense nous offre à la surface des hauteurs, des profondeurs, des plaines, des mers, des marais, des fleuves, des cavernes, des gouffres, des volcans, et à la première inspection nous ne découvrons en tout cela aucune régularité, aucun ordre. Si nous pénétrons dans son intérieur,

  1. Whiston. Voyez les Preuves de la Théorie de la terre, art. ii.
  2. Burnet. Voyez les Preuves de la Théorie de la terre, art. iii.
  3. Woodward. Voyez les Preuves, art. iv.