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SECOND DISCOURS

HISTOIRE ET THÉORIE DE LA TERRE


Vidi ego, quod fuerat quondam solidissima tellus,
Esse fretum ; vidi fractas ex aequore terras ;
Et procul a pelago conchæ jacuère marinæ,
Et vetus inventa est in montibus anchora summis ;
Quodque fuit campus, vallem decursus aquarum
Fecit, et eluvie mons est deductus in æquor.

Ovid. Metam. lib. 15.



Il n’est ici question ni de la figure[1] de la terre ni de son mouvement ni des rapports qu’elle peut avoir à l’extérieur avec les autres parties de l’univers ; c’est sa constitution intérieure, sa forme et sa matière que nous nous proposons d’examiner. L’histoire générale de la terre doit précéder l’histoire particulière de ses productions, et les détails des faits singuliers de la vie et des mœurs des animaux ou de la culture et de la végétation des plantes appartiennent peut-être moins à l’histoire naturelle que les résultats généraux des observations qu’on a faites sur les différentes matières qui composent le globe terrestre, sur les éminences, les profondeurs et les inégalités de sa forme, sur le mouvement des mers, sur la direction des montagnes, sur la position des carrières, sur la rapidité et les effets des courants de la mer, etc. Ceci est la nature en grand, et ce sont là ses principales opérations, elles influent sur toutes les autres, et la théorie de ces effets est une première science de laquelle dépend l’intelligence des phénomènes particuliers, aussi bien que la connaissance exacte des substances terrestres ; et quand même on voudrait donner à cette partie des sciences naturelles le nom de physique, toute physique où l’on n’admet point de systèmes n’est-elle pas l’histoire de la nature ?

Dans des sujets d’une vaste étendue dont les rapports sont difficiles à rapprocher, où les faits sont inconnus en partie, et pour le reste incertains, il est plus aisé d’imaginer un système que de donner une théorie ; aussi la théorie de la terre n’a-t-elle jamais été traitée que d’une manière vague et hypothétique. Je ne parlerai donc que légèrement des idées singulières de quelques auteurs qui ont écrit sur cette matière.

  1. Voyez ci-après les Preuves de la Théorie de la terre, art. ier.