Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/59

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en emporte de petites parties à chaque fois que la vague se retire après s’être brisée : ces particules de pierre ou de terre seront nécessairement transportées par les eaux jusqu’à une certaine distance et dans de certains endroits où le mouvement de l’eau, se trouvant ralenti, abandonnera ces particules à leur propre pesanteur, et alors elles se précipiteront au fond de l’eau en forme de sédiment, et là elles formeront une première couche horizontale ou inclinée, suivant la position de la surface du terrain sur laquelle tombe cette première couche, laquelle sera bientôt couverte et surmontée d’une autre couche semblable et produite par la même cause, et insensiblement il se formera dans cet endroit un dépôt considérable de matière, dont les couches seront posées parallèlement les unes sur les autres ; cet amas augmentera toujours par les nouveaux sédiments que les eaux y transporteront, et peu à peu, par succession de temps, il se formera une élévation, une montagne dans le fond de la mer, qui sera entièrement semblable aux éminences et aux montagnes que nous connaissons sur la terre, tant pour la composition intérieure que pour la forme extérieure. S’il se trouve des coquilles dans cet endroit du fond de la mer où nous supposons que se fait notre dépôt, les sédiments couvriront ces coquilles et les rempliront ; elles seront incorporées dans les couches de cette matière déposée, et elles feront partie des masses formées par ces dépôts, on les y trouvera dans la situation qu’elles auront acquise en y tombant, ou dans l’état où elles auront été saisies ; car, dans cette opération, celles qui se seront trouvées au fond de la mer lorsque les premières couches se seront déposées, se trouveront dans la couche la plus basse, et celles qui seront tombées depuis dans ce même endroit se trouveront dans les couches plus élevées.

Tout de même lorsque le fond de la mer sera remué par l’agitation des eaux, il se fera nécessairement des transports de terre, de vase, de coquilles et d’autres matières dans de certains endroits où elles se déposeront en l’orme de sédiment : or nous sommes assurés par les plongeurs[1] qu’aux plus grandes profondeurs où ils puissent descendre, qui sont de vingt brasses, le fond de la mer est remué au point que l’eau se mêle avec la terre, qu’elle devient trouble, et que la vase et les coquillages sont emportés par le mouvement des eaux à des distances considérables ; par conséquent, dans tous les endroits de la mer où l’on a pu descendre, il se fait des transports de terre et de coquilles qui vont tomber quelque part et former, en se déposant, des couches parallèles et des éminences qui sont composées comme nos montagnes le sont ; ainsi le flux et le reflux, les vents, les courants et tous les mouvements des eaux produiront des inégalités dans le fond de la mer, parce que toutes ces causes détachent du fond et des côtes de la mer des matières qui se précipitent ensuite en forme de sédiments.

  1. Voyez Boyle’s Works, vol. III, p. 232.