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que les continents ont tous subi, à plusieurs reprises et plus ou moins, les effets de cette action ; qu’ils ont été entièrement réduits en fragments ou en poussière, submergés, puis reconstruits. La terre ferme, considérée à ce point de vue, ne justifie donc pas son attribut de fixité. Comme masse solide, elle peut résister à des forces auxquelles l’eau obéit librement ; mais lorsque, dans son état de dégradation subite ou successive, elle se trouve disséminée dans l’eau, sous forme de sable ou de limon, elle participe à tous les mouvements de ce liquide. Ainsi, dans le cours des siècles, les continents seront détruits, et leurs débris se répandront sur le fond de l’Océan, où, remplissant les cavités les plus profondes, ils tendront continuellement à rendre à la surface du noyau solide la forme d’équilibre. On voit donc, en admettant que la terre, soit douée d’un mouvement de rotation, qu’après un laps de temps suffisant, les protubérances polaires disparaîtront graduellement, et seront transportées à l’équateur (où se trouvera alors la mer la plus profonde), jusqu’à ce que la terre prenne peu à peu la forme que nous lui connaissons aujourd’hui, — celle d’un ellipsoïde aplati. Nous sommes loin de prétendre que ce soit réellement ainsi que la terre est arrivée à prendre sa forme actuelle ; notre seul but est de montrer que telle est la figure qu’elle tend à prendre, étant soumise à un mouvement de rotation autour de son axe, et celle qu’elle prendrait, lors même qu’originairement, et en quelque sorte par erreur, elle eût été constituée de toute autre manière. »

Le savant géologue Lyell, dont la constante préoccupation est de démontrer que tous les caractères de forme et d’organisation de la terre ont pu être produits par des causes lentes et s’exerçant encore aujourd’hui, fait remarquer avec raison que Herschel a négligé l’action destructive exercée sur la terre ferme par les rivières et les fleuves, action puissante et qui s’ajoute à celle de la mer pour déplacer les matériaux solides du globe et les transporter vers l’équateur. Il insiste aussi sur ce fait que, même actuellement, il existe dans les couches les plus superficielles de la terre des foyers de chaleur capables de fondre des masses considérables de substances qui se sont ensuite déversées à la surface et ont été entraînées vers l’équateur. Il ajoute[1] : « Ou si, dans les régions équatoriales, il existait alors au-dessous de l’écorce terrestre des lacs et des mers de lave, comme il s’en trouve probablement aujourd’hui dans les Andes du Pérou, le fluide ainsi emprisonné se serait frayé une issue pour s’échapper et aurait soulevé d’une manière permanente les roches sus-jacentes. La figure d’équilibre du sphéroïde terrestre, dont le plus long diamètre excède le plus court d’environ 40 kilomètres, peut donc être le résultat de causes graduelles et même encore existantes, et non celui d’un état de fluidité primitive, universelle et simultanée. »

  1. Principes de géologie, t. II, p. 259.